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Diffamation d’un DG sur internet : le blogueur masqué était un magistrat de la CRC !

Tribunal correctionnel de Nîmes 7 juillet 2011

e-réputation des décideurs publics : l’auteur d’un blog jugé diffamatoire peut-il s’exonérer en rapportant la preuve de la vérité des faits dénoncés ?

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Oui dès lors que les accusations portées sont relatives aux fonctions du décideur. C’est pourquoi une plainte en diffamation est toujours à double tranchant. Surtout lorsque l’auteur du blog anonyme s’avère être un magistrat de la CRC qui a contrôlé la commune et qui peut donc avoir des éléments de nature à étayer ses accusations...

Une commune du sud-est connaît de graves difficultés financières mises en exergue par la chambre régionale des comptes (CRC).

Des blogs sur internet fleurissent critiquant la gestion de la municipalité.

Deux d’entre eux attirent l’attention du directeur général des services (DGS) qui porte plainte pour diffamation.

Le premier émane d’un opposant politique, rapidement identifié, qui y dénonce "les chefs de services qui devront rendre un jour des comptes sur leurs dépenses somptueuses avec l’argent des contribuables lors de séminaires à l’étranger ou en relais châteaux".

Le second est le fruit d’un blogueur anonyme qui s’en prend directement au DGS critiquant son salaire qu’il juge démesuré pour une ville de moins de 10 000 habitants.

1° Relaxe de l’opposant politique

L’auteur du premier blog est relaxé :

 d’une part le DGS n’est pas visé spécifiquement ;

 d’autre part et surtout, les faits dénoncés sont avérés, les voyages ayant été été rendus publics par les rapports de la chambre régionale des comptes.

Quant à l’expression « les chefs de service devront un jour rendre des comptes », elle ne constitue que le rappel des dispositions de l’article 15 de la déclaration des droits de citoyen de 1789 aux termes duquel « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».

2° Relaxe du blogueur anonyme

L’identification du second blogueur est plus délicate. Il faut dire que l’auteur a pris le soin de publier ses articles depuis plusieurs cybercafés.

Ce luxe de précautions, note le tribunal, s’est éclairé lorsque l’enquête a permis d’identifier l’auteur du blog comme étant un magistrat de la chambre régionale des comptes en charge de l’instruction concernant la commune !

Drôle de conception des règles déontologiques de sa profession, relève le tribunal. Pour autant, le magistrat est relaxé, la date de parution de l’article qu’il a rédigé, ne correspondant pas à celle de l’article dans lequel le DGS est visé.

Il reste que si l’affaire avait pu être jugée sur le fond, il aurait sans doute plus facile au prévenu, compte-tenu de ses fonctions, de rapporter la preuve de la vérité des faits dénoncés...

Tribunal correctionnel de Nîmes 7 juillet 2011

[1Photo : © Alexey Stiop