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Tel est pris qui croyait prendre

Cass crim 3 janvier 2006, n° de pourvoi : 05-81877, inédit

Malgré les preuves, une procédure peut se retourner contre celui qui l’a lancée. Illustration dans cette affaire opposant un élu d’opposition à son maire. Ce dernier réussit à contester chacune des accusations.

Un conseiller municipal d’opposition dénonce dans un tract, outre la faible place laissée dans le journal municipal à l’opposition, les conditions dans lesquelles un marché public a été attribué ainsi que les relations entretenues avec une association de jumelage.
Le maire porte plainte pour diffamation publique. Le conseiller d’opposition réplique en prétendant pouvoir prouver la véracité des faits dénoncés dans le tract :

Sur l’attribution du marché public :
il s’étonne de ce que la commission d’appel d’offres se soit réunie en l’absence du représentant de la DGCCRF et du receveur municipal mais en présence du premier adjoint qui ne faisait pas partie de cette commission.
Il soutient que sur les procès-verbaux d’ouverture des candidatures et d’ouverture des offres en date du 3 septembre 2002, deux écritures différentes sont utilisées en ce qui concerne la composition de la commission et que le nom du premier adjoint serait inscrit d’une façon différente des autres.
Il ajoute que l’entreprise qui avait répondu à l’appel d’offres et qui était la moins-disante se serait désistée par fax le jour même de la réunion d’attribution du marché ce qui prouverait que les règles d’attribution des marchés publics n’auraient pas été respectées.

Sur les relations avec l’association de jumelage avec une ville espagnole, il dénonce les sommes exorbitantes dont celle-ci a bénéficié en toute illégalité (notamment sans vote de la commission des finances ") et soutient, copie du PV de réunion du conseil municipal à l’appui, que le maire a influencé le vote du conseil municipal pour pour qu’un membre de la majorité dirige l’association.

Le maire répond point par point à chacune de ces accusations et obtient la condamnation de son opposant à 4 000 euros d’amende, ce que confirme la Cour de cassation :

1° "si le tract en cause s’inscrit effectivement dans le cadre d’une controverse politique municipale, il n’a pas été diffusé en période électorale, période pendant laquelle certaines imputations peuvent être tolérées si elles sont justifiées par le désir de renseigner les électeurs" ;

2° "en tout état de cause s’il est admis, dans un contexte de polémique politique, qu’un large champ soit laissé à la critique, ce droit de critique connaît des limites notamment quand quelqu’un est personnellement mis en cause" ;

3° "qu’en l’espèce, si certaines imputations, comme celles figurant au début du tract et visant les conditions dans lesquelles la parole est donnée à l’opposition dans le bulletin municipal et la tenue des commissions, peuvent être considérées comme relevant de la manifestation d’une opinion n’outrepassant pas le libre droit de critique, les allégations [relatives aux irrégularités commises dans la procédure d’attribution du marché et des subventions octroyées à l’association de jumelage] revêtent, quant à elles, un caractère diffamatoire" ;

4° "Pour produire l’effet absolutoire prévu par l’article 35, alinéa 4, de la loi de 1881, la preuve de la vérité des faits diffamatoires doit être parfaite, complète et corrélative aux imputations dans toute leur portée" ;

5° Sur l’attribution du marché la lecture des PV ne laissent pas apparaître les différences d’écritures alléguées. En outre, le désistement de l’entreprise la moins disante s’explique par une erreur de celle-ci qui n’avait pas tenu compte dans son offre de suggestions particulières, ce qu’avait d’ailleurs relevé l’ingénieur des TPE dans son rapport d’analyse ;

6° Sur les relations avec l’association la lecture des PV produits "démontre qu’il y avait quatre candidats et que les deux représentants ont été élus après un vote à bulletins secrets donc de manière tout à fait régulière contrairement à ce que soutient le prévenu". "S’il apparaît des pièces versées au débat que le comité de jumelage ne bénéficie d’une subvention votée par le conseil municipal que depuis 2003, il n’est nullement établi que cette association aurait antérieurement bénéficié des largesses de la municipalité c’est-à-dire de l’allocation de sommes exorbitantes et non justifiée". En effet jusqu’à cette date, "le budget relatif à cette association était englobé dans l’enveloppe des frais de représentation de la mairie au chapitre des frais relations publiques" et "le budget global a toujours été voté par le conseil municipal et soumis au contrôle de légalité du préfet qui n’a jamais formulé d’observation". Enfin les sommes engagées pour l’année 2002 "au règlement des frais d’un cocktail d’accueil et d’un repas pour un montant de 1 375,19 euros ainsi qu’au prix d’un cadeau de 42,50 euros" ne sauraient être considérées comme des "largesses".