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La jurisprundence de la semaine 23 au 27 mai 2011

Assurances / Marchés publics et contrats / Fonction publique et droit social / Responsabilités / Travaux publics et construction

(dernière mise à jour le 22/05/2012)

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Assurances

 Un assuré peut-il invoquer de plein droit la majoration des intérêts moratoires à la charge de son assureur dommages-ouvrage lorsque celui-ci ne lui fait aucune proposition de financement des travaux consécutifs au sinistre déclaré ?

Non. La seule déclaration de sinistre ne suffit pas à rendre l’assureur débiteur de la majoration des intérêts moratoires. Seule une sommation de payer ou un acte équivalent peut avoir cet effet. C’est ainsi à bon droit qu’une cour d’appel en déduit que la somme due au titre de la réparation intégrale des dommages ne doit être augmentée des intérêts au double du taux de l’intérêt légal qu’à compter de l’assignation délivrée à l’assureur.

Cour de cassation, chambre civile 3, 25 mai 2011 N° 10-18780


Marchés publics et contrats

 Une partie à un contrat administratif peut-elle former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles ?

Oui. En principe le juge du contrat, saisi par une partie d’un litige relatif à une mesure d’exécution d’un contrat, peut seulement rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité. Toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d’une telle mesure d’exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles.

Conseil d’État, 23 mai 2011, N° 323468

  Une convention par laquelle une collectivité confie à une société privée l’organisation d’un festival de musique peut-elle constituer un marché public de services soumis aux formalités de publicité et de mise en concurrence ?

Oui. En vertu des dispositions du I de l’article 1er du code des marchés publics, les contrats conclus à titre onéreux entre les pouvoirs adjudicateurs et des opérateurs économiques publics ou privés pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services sont des marchés publics soumis aux dispositions de ce code.

Ainsi une convention conclue à l’initiative d’une commune en vue de confier à un professionnel du spectacle des prestations d’exploitation de la billetterie et de promotion d’un festival constitue un marché public de service puisqu’elle prévoit la fourniture d’un service à la commune pour répondre à ses besoins, moyennant un prix tenant en l’abandon des recettes du festival et au versement d’une somme annuelle de 495 000 euros. Peu importe que les personnes publiques puissent "accorder des subventions aux entreprises de spectacles vivants en application des dispositions de l’article 1-2 de l’ordonnance du 13 octobre 1945 relative aux spectacles, lesquelles ne permettent pas de déroger, en tout état de cause, aux règles de publicité et de mise en concurrence prévues par le code des marchés publics". Par suite, "la commune ne pouvait conclure la convention litigieuse sans procéder aux mesures de publicité et de mise en concurrence applicables aux marchés publics de services".

Conseil d’État, 23 mai 2011, N° 342520


Fonction publique et droit social

 L’envoi d’un courrier électronique à un supérieur hiérarchique, dénonçant les méthodes de management d’un cadre, peut-il constituer une diffamation si l’expéditeur n’a pas pris la précaution de porter la mention « confidentiel » dans l’objet du message ?

Non. Des imputations diffamatoires contenues dans un courrier électronique et concernant une personne autre que le destinataire ne sont susceptibles de recevoir une qualification pénale que s’il est établi que ce courrier a été adressé à ce tiers dans des conditions exclusives de tout caractère confidentiel. La Cour de cassation n’attache pas d’importance au formalisme du message et notamment à la mention « personnel » ou « confidentiel ». La circonstance que le message soit adressé directement au seul supérieur hiérarchique suffit à lui conférer un caractère confidentiel, le destinataire du message étant tenu à une obligation de discrétion. C’est la pure et simple transposition de la jurisprudence de la Cour de cassation relative aux courriers classiques adressés à un seul destinataire. La circonstance que le message soit électronique ne change rien.

Cour de cassation, chambre criminelle, 24 mai 2011, N° 10-85184


Responsabilités

 Le délit de harcèlement moral implique-t-il nécessairement que les agissements dénoncés aient pour objet la dégradation des conditions de travail ?

Non. La Cour de cassation censure un arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Rennes confirmant le non lieu en faveur d’un cadre poursuivi pour harcèlement moral. Les juridictions d’instruction avaient estimé les charges insuffisantes, relevant notamment que n’étaient pas décrits des agissements précis et répétés et que le prévenu n’avait pas eu la volonté de nuire ou d’humilier. Pourtant les magistrats reconnaissaient bien une dégradation des conditions de travail dues à la persistance de l’existence de difficultés relationnelles constantes venant de l’attitude du mis en examen qui pratiquait un dénigrement permanent de l’équipe. La Cour de cassation annule l’arrêt relevant une contradiction de motifs et précisant "que le délit de harcèlement moral n’implique pas que les agissements aient nécessairement pour objet la dégradation des conditions de travail".

Cour de cassation, chambre criminelle, 24 mai 2011, N° 10-87100

 Un fonctionnaire injurié par un agent mécontent de sa notation peut-il porter plainte pour outrage envers une personne chargée d’une mission de service public ?

Non. Pour être juridiquement constitué, l’outrage doit viser un fonctionnaire à l’occasion de l’exercice d’une mission de service public. Tel n’est pas le cas si le fonctionnaire fait l’objet d’attaques dans l’exercice de ses prérogatives hiérarchiques. Cela ne signifie pas pour autant que les agents disposent du droit d’insulter leurs supérieurs ! Outre qu’ils s’exposent à des sanctions disciplinaires, ils peuvent également faire l’objet de poursuites pénales pour injures (publiques ou privées selon les cas) sur le fondement de la loi de 1881 sur la presse.

Cour de cassation, chambre criminelle, 24 mai 2011, N° 10-87966


Travaux publics et construction

 Une personne publique condamnée à indemniser l’acquéreur d’un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire peut-elle rechercher la responsabilité décennale des constructeurs ?

Oui. Le maître de l’ouvrage ne peut être regardé comme étant un coauteur du dommage. L’action ainsi exercée par la personne publique présente le caractère d’une action récursoire destinée à faire valoir un intérêt direct et certain, distinct de celui qui fonde l’action de l’acquéreur de l’ouvrage. Une telle action doit être exercée dans le délai de garantie décennale.

Conseil d’État, 23 mai 2011, N° 341414

[1Photo : © Treenabeena