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La jurisprudence de la semaine du 13 au 17 juin 2011

Action sociale / Cimetières / Fonction publique / Prestations sociales et retraites / Responsabilités / SDIS et sécurité civile / Urbanisme

(dernière mise à jour le 30/05/2012)

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Action sociale

 Les dispositions du code de l’action sociale et des familles et du code civil, qui laissent à la charge de la personne protégée, quelles que soient ses ressources, le coût de l’indemnité en complément susceptible d’être allouée au mandataire judiciaire à la protection des majeurs, sont-elles contraires au principe d’égalité ?

Non. Le Conseil constitutionnel juge les dispositions de l’article L. 471-5 du code de l’action sociale et des familles et de l’article 419 du code civil conformes à la Constitution [2] :

 pour permettre à toute personne de bénéficier d’une mesure de protection juridique lorsqu’elle se trouve dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération de ses facultés, les articles 419 du code civil et L. 471-5 du code de l’action sociale et des familles ont prévu un financement public des mesures de protection lorsque la personne ne dispose pas des ressources pour en assumer le coût. "Si l’existence d’un tel financement public met en œuvre le onzième alinéa du Préambule de 1946, cette exigence constitutionnelle n’impose pas que la collectivité publique prenne en charge, quel que soit leur coût, toutes les diligences susceptibles d’être accomplies au titre d’une mesure de protection juridique" ;

 "Si, en règle générale, le principe d’égalité impose de traiter de la même façon des personnes qui se trouvent dans la même situation, il n’en résulte pas pour autant qu’il oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes". Ainsi "les dispositions contestées, qui laissent à la charge de la personne protégée, dans tous les cas, le coût de l’indemnité en complément susceptible d’être allouée au mandataire judiciaire à la protection des majeurs, ne méconnaissent pas le principe d’égalité".

Décision n° 2011-136 QPC du 17 juin 2011 NOR : CSCX1116612S


 En réservant le bénéfice du revenu de solidarité active (RSA) à ceux qui, parmi les étrangers, sont titulaires depuis au moins cinq ans d’un titre de séjour les autorisant à travailler, le législateur a t-il porté atteinte au principe d’égalité des citoyens devant la loi ?

Non : "le législateur a pu estimer que la stabilité de la présence sur le territoire national était une des conditions essentielles à l’insertion professionnelle". Ainsi "en réservant le bénéfice du revenu de solidarité active à ceux qui, parmi les étrangers, sont titulaires depuis au moins cinq ans d’un titre de séjour les autorisant à travailler, le législateur a institué entre les Français et les étrangers, d’une part, et entre les étrangers, d’autre part, selon qu’ils ont ou non une résidence stable en France, une différence de traitement en rapport direct avec l’objet de la loi". Le critère qu’il a fixé "n’est pas manifestement inapproprié au but poursuivi".

Décision n° 2011-137 QPC du 17 juin 2011 NOR : CSCX1116611S


Cimetières

 Un maire peut-il, sans s’assurer de l’accord de la famille, autoriser une entreprise funéraire à rassembler les corps dans un même cercueil ?

Non car il s’agit d’une exhumation à part entière soumise, en tant que telle, à l’accord des plus proches parents. L’autorisation préalable du maire, pour nécessaire qu’elle soit, n’est pas suffisante. Ainsi engage la responsabilité de la commune le maire qui autorise une entreprise de pompes funèbres à rassembler des corps dans un même cercueil sans s’assurer de l’accord des plus proches parents des personnes inhumées.

Cour de cassation, chambre civile 1, 16 juin 2011, N° 10-13580


Fonction publique

 La loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique est-elle conforme à la Constitution ?

Oui. Le Conseil constitutionnel [3] déclare le dispositif conforme à la Constitution. En effet :

 les fonctionnaires sont dans une situation différente de celle des salariés du secteur privé. Ainsi "en ne prévoyant pas, pour les fonctionnaires investis de fonctions représentatives, les garanties qui existent pour les salariés investis de telles fonctions dans le secteur privé, le législateur n’a pas méconnu le principe d’égalité devant la loi".

 "le principe d’égalité de traitement dans le déroulement de la carrière des fonctionnaires n’est susceptible de s’appliquer qu’entre les agents appartenant à un même corps".

 les dispositions contestées, qui permettent à l’administration de placer en situation de réorientation professionnelle un fonctionnaire dont l’emploi est susceptible d’être supprimé, peuvent certes aboutir à des distinctions entre agents appartenant à un même corps selon que leur administration connaît ou non une restructuration assortie de suppressions d’emplois mais "les différences de traitement qui peuvent en résulter répondent à une fin d’intérêt général qu’il appartenait au législateur d’apprécier".

Décision n° 2011-134 QPC du 17 juin 2011 NOR : CSCX1116610S


Prestations sociales et retraites

 Le maintien en activité d’un fonctionnaire au delà de la limite d’âge du corps auquel il appartient, pour lui permettre de percevoir une retraite à taux plein, constitue-t-il un droit ?

Non c’est "une faculté laissée à l’appréciation de l’autorité administrative, sous le contrôle du juge, eu égard à l’intérêt du service".

Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, 14 juin 2011, N° 10BX01450


Responsabilités

 Les juridictions répressives peuvent-elles condamner personnellement un élu à rembourser des subventions illégalement obtenues par la commune sans que l’élu n’ait préalablement été déclaré comptable de fait par la juridiction financière ?

Oui dès lors que les faits qui lui sont imputés sont constitutifs d’une faute personnelle détachable de ses fonctions. Les juridictions judiciaires sont alors compétentes pour condamner personnellement l’élu à indemniser la victime bien que l’élu n’ait pas été préalablement déclaré comptable de fait par les juridictions financières ni mis en débet. De même, aucun jugement de la chambre régionale des comptes n’est préalablement requis pour indemniser la partie civile. Est ainsi justifiée la condamnation personnelle d’un élu (commune de 600 habitants) reconnu définitivement coupable de faux en écriture et de détournements de biens publics. L’élu avait établi un système de fausses factures au préjudice concernant des travaux à réaliser dans sa commune aux fins d’obtenir des subventions du conseil général. Le tout pour un montant total s’élevant à près de 250 000 euros qu’il appartiendra donc à l’élu de rembourser sur ses deniers personnels.

Cour de cassation, chambre criminelle, 16 juin 2011, N° 10-86737

 Un salarié se rend-il coupable de vol et d’abus de confiance s’il transfert sur sa messagerie personnelle des documents de son employeur ?

Pas si le salarié a agi ainsi pour se pré-constituer des preuves pour assurer sa défense dans le cadre d’un litige prud’homal. Est ainsi justifiée le non-lieu rendu au bénéfice d’un salarié qui, avisé du projet de son employeur de rompre son contrat de travail, a appréhendé des documents dont il avait eu connaissance à l’occasion de l’exercice de ses fonctions et dont la production était strictement nécessaire à l’exercice de sa défense dans la procédure prud’homale qu’il a engagée peu après.

Cour de cassation, chambre criminelle, 16 juin 2011, N° 10-85079


SDIS et sécurité civile

 Un pompier victime en intervention d’un accident de la circulation avec un tramway peut-il invoquer les dispositions favorables de la loi Badinter de 1985 ?

Oui si l’accident a eu lieu à un carrefour ouvert aux autres usagers de la route et non sur une voie qui est propre au tram. Un tramway qui traverse un carrefour ouvert aux autres usagers de la route ne circule pas sur une voie qui lui est propre. Il en résulte que les dispositions de la loi Badinter favorisant l’indemnisation des victimes d’accident de la circulation sont pleinement applicables. Les tramways ne sont en effet exclus du domaine d’application de cette loi que s’ils circulent sur une voie qui leur est propre.

Cour de cassation, chambre civile 2, 16 juin 2011, N° 10-19491


Urbanisme

 L’interdiction faite à une association d’attaquer un permis de construire si le dépôt dépôt des statuts de l’association en préfecture est intervenu postérieurement à l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire est-elle conforme à la Constitution ?

Oui : "en adoptant l’article L. 600-1-1 du code de l’urbanisme, le législateur a souhaité empêcher les associations, qui se créent aux seules fins de s’opposer aux décisions individuelles relatives à l’occupation ou à l’utilisation des sols, de contester celles-ci". "Ainsi, il a entendu limiter le risque d’insécurité juridique". La disposition contestée "prive les seules associations, dont les statuts sont déposés après l’affichage en mairie d’une demande d’autorisation d’occuper ou d’utiliser les sols, de la possibilité d’exercer un recours contre la décision prise à la suite de cette demande". "La restriction ainsi apportée au droit au recours est limitée aux décisions individuelles relatives à l’occupation ou à l’utilisation des sols". L’article L. 600-1-1 du code de l’urbanisme ne porte pas d’atteinte substantielle au droit des associations d’exercer des recours, ne porte aucune atteinte au droit au recours de leurs membres et ne méconnaît pas davantage la liberté d’association.

Décision n° 2011-138 QPC du 17 juin 2011 NOR : CSCX1116615S

[1Photo : © Treenabeena

[2Le Conseil constitutionnel était saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par la Fédération nationale des associations tutélaires, l’Union nationale des associations familiales et l’Union nationale des associations de parents de personnes handicapées mentales et de leurs amis. Selon les requérants le bénéfice de l’accomplissement d’actes impliquant des diligences exceptionnelles est réservé aux personnes protégées disposant de ressources suffisantes pour prendre en charge l’indemnité complémentaire que le juge peut allouer à cette fin au mandataire judiciaire à la protection des majeurs. Ainsi, faute de prévoir un financement public subsidiaire pour la prise en charge de cette indemnité complémentaire lorsque les ressources du majeur protégé sont insuffisantes, les dispositions contestées porteraient atteinte au principe d’égalité.

[3Saisi d’une QPC déposée par un fonctionnaire appuyé par deux organisations syndicales. Selon les requérants, les dispositions de la loi du 3 août 2009 relatives au régime de réorientation professionnelle des fonctionnaires méconnaissent le principe d’égalité devant la loi et les emplois publics dès lors qu’elles instituent des différences de traitement entre fonctionnaires et salariés du secteur privé, s’agissant des protections dont bénéficient les représentants du personnel, entre fonctionnaires selon qu’ils sont ou non placés en situation de réorientation professionnelle et, enfin, entre fonctionnaires placés en situation de réorientation professionnelle. Ils invoquent également la violation de la liberté syndicale et du principe de participation des travailleurs à la détermination des conditions de travail.