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Prise illégale d’intérêts : dérogations pour les communes rurales sous conditions

Cour de cassation, chambre criminelle, 6 avril 2011, N° de pourvoi : 10-84130

Le maire d’une commune rurale peut-il louer un logement de la commune à son beau-frère si le loyer est conforme à la valeur locative du bien ?

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Non : il se rend coupable de prise illégale d’intérêts. Les dérogations dont bénéficient les élus des communes de moins de 3501 habitants sont d’interprétation stricte. Si les élus de ces communes peuvent, sous certaines conditions, louer un logement de la commune c’est uniquement pour leur besoin personnel et non pour ceux de leur entourage.
 

Le maire d’une commune girondine (850 habitants) est poursuivi pour favoritisme et prise illégale d’intérêts. Il lui est notamment reproché d’avoir loué un logement communal à son beau-frère. Pour sa défense, l’élu invoque les dérogations prévues pour les communes de moins de 3501 habitants. La Cour d’appel de Bordeaux rejette l’argument : "l’exception prévue à l’alinéa 2 de l’article 432-12 du code pénal ne vise expressément que les baux conclus entre le maire ou les conseillers municipaux et la commune".

Le délit est donc bien constitué dès lors que l’élu a participé à la délibération litigieuse qui "concernait un membre de son entourage familial proche". Peu importe à cet égard que le loyer auquel était loué le bien litigieux était conforme à sa valeur locative.

Il est également reproché à l’élu d’avoir participé à une délibération de la commune exonérant des immeubles de la perception de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères dont l’un appartenait à la concubine de l’élu. Peu importe que cette décision ait concerné également d’autres administrés et qu’elle ait été renouvelée tous les ans.

La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’élu estimant que "la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu’intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable".

En revanche, tirant les conséquences de la déclaration d’inconstitutionnalité de l’article L7 du code électoral, la Cour de cassation annule le relèvement de l’interdiction de trois ans, devenu ainsi sans objet. Seule demeure applicable la condamnation de l’élu à cinq mois d’emprisonnement avec sursis et à 3 000 euros d’amende.

 

[1Photo : © Oleksandr Bilozerov