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La jurisprudence de la semaine du 2 au 6 mai 2011

Fonction publique et droit social/ Pouvoirs de police / Services publics / Urbanisme

(dernière mise à jour le 16/11/2011)

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Fonction publique et droit social

 Le retrait du permis de conduire, à la suite d’infractions au code de la route commises en dehors de l’exécution du contrat de travail, peut-il justifier un licenciement disciplinaire pour faute grave ?

Non : un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier un licenciement disciplinaire sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail. Or le fait pour un salarié qui utilise un véhicule dans l’exercice de ses fonctions de commettre, dans le cadre de sa vie personnelle, une infraction entraînant la suspension ou le retrait de son permis de conduire ne constitue pas une méconnaissance par l’intéressé de ses obligations découlant de son contrat de travail.

Il reste encore prématuré d’en conclure que cet arrêt constitue un revirement définitif de jurisprudence. Il est possible que la Cour de cassation distingue selon le type d’infractions routières à l’origine du retrait. Cela expliquerait pourquoi la Cour de cassation a justifié des licenciements pour faute grave de salariés dont le permis a été retiré à la suite de conduite en état d’ébriété, mais a jugé insuffisamment caractérisé des licenciements pour faute grave de salariés dont le permis avait été retiré pour excès de vitesse.

Toujours est-il qu’un licenciement pour motif personnel à caractère non disciplinaire reste envisageable dès lors que le salarié, affecté la conduite de véhicule en exécution de son contrat de travail et qui ne peut être reclassé, ne peut plus exercer les missions confiées. Mais le salarié a alors droit à une indemnité de licenciement et à une indemnité de préavis.

Cour de cassation, chambre sociale, 3 mai 2011, N° 09-67464


 Un agent non titulaire de droit public peut-il être licencié pour inaptitude physique ?

Oui : à défaut de pouvoir être reclassé, un agent atteint d’une inaptitude physique définitive peut être licencié. Il s’agit là d’un principe général du droit applicable tant aux fonctionnaires qu’aux agents de droit public, titulaires ou non.

Cour Administrative d’Appel de Nancy, 5 mai 2011, N° 10NC00599


 Un agent peut-il être licencié pour insuffisance professionnelle après la saisine du du conseil de discipline ?

Oui : la circonstance qu’un agent soit informé de la volonté de la commune de le licencier pour insuffisance professionnelle postérieurement à la saisine du conseil de discipline est sans incidence sur la régularité de la procédure. Est ainsi validé le licenciement pour insuffisance professionnelle d’un agent fondé sur son comportement général, et notamment sur son aptitude à entretenir des relations de travail normales avec ses collègues et sa hiérarchie. Peu importe que certains des faits reprochés à l’intéressé soient susceptibles de constituer des fautes de nature à justifier l’application de sanctions disciplinaires.

Cour Administrative d’Appel de Nancy, 5 mai 2011, N° 10NC01024


 Le fonctionnaire qui utilise un véhicule de service à des fins privées engage-t-il automatiquement sa responsabilité personnelle en cas de destruction du véhicule ?

Non. Encore faut-il qu’un tel usage privatif ne soit pas autorisé par l’administration. Si un agent public qui utilise un véhicule de service à des fins personnelles, sans y être autorisé par l’administration, commet une faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions, l’absence d’autorisation ne peut être déduite du seul motif de l’illégalité de l’attribution par la commune d’un véhicule de fonction à l’intéressé. Le fonctionnaire peut ainsi invoquer une autorisation résultant d’un usage constant au sein des services d’une collectivité. En outre un lien de causalité doit être établi entre les dommages causés au véhicule et son utilisation privative. Tel n’est pas le cas si le sinistre a pour origine l’entretien défectueux du véhicule par les ateliers municipaux.

Conseil d’État, 6 mai 2011, N° 330020


Pouvoir de police

 Un maire peut-il refuser d’accéder à la demande d’un nouveau résident de faire libérer la circulation sur une voie communale au motif que le requérant avait connaissance de la gêne (causée ici par une terrasse empiétant sur le domaine public) au moment de l’acquisition de son bien ?

Non. Au titre de son pouvoir de police le maire doit assurer la commodité du passage sur les voies publiques. Peu importe que le requérant, nouvel arrivant sur la commune, connaissait la gêne occasionnée par l’obstacle au moment de l’acquisition de son bien.

Cour administrative d’appel de Marseille, 3 mai 2011, N°09MA01059


Services publics

 Un conseil général peut-il prévoir des tarifs de transports scolaires différents selon que les enfants sont scolarisés dans le public ou dans le privé ?

Non : la gestion d’un service public est soumise au respect du principe d’égalité entre les usagers. La fixation de tarifs différents applicables, pour un même service rendu, à diverses catégories d’usagers d’un service public implique, à moins qu’elle ne soit la conséquence nécessaire d’une loi, soit qu’il existe entre les usagers des différences de situation objectives, soit qu’une nécessité d’intérêt général en rapport avec les conditions d’exploitation du service commande cette mesure. Seules des différences de situation au regard de l’objet même du service public peuvent légalement justifier, en l’absence de motif d’intérêt général, une différence de traitement entre les usagers de ce service.

Un conseil général ne peut ainsi assurer la gratuité des transports aux élèves scolarisés dans un établissement privé le plus proche de leur domicile, alors que cette gratuité est conditionnée, pour les collégiens du public, à la fréquentation d’un établissement inclus dans le secteur de ramassage scolaire correspondant au secteur de l’enseignement public dont ils dépendent. Le département doit appliquer le même tarif pour tous les enfants se trouvant, à cet égard, dans une situation identique.

Conseil d’État, 4 mai 2011, N° 322901


Urbanisme

 Peut-on autoriser la construction d’une aire d’accueil de gens du voyage sur une parcelle classée dans une zone d’aléa fort (A3) par le plan de prévention des risques naturels d’inondation ?

Oui : sous réserve que le règlement du plan de prévention l’autorise et que les prescriptions édictées sont respectées. Le juge administratif ne peut ainsi annuler un permis de construire délivré dans de telles circonstances sans indiquer quelles atteintes à la sécurité publique ou quels risques nécessitent l’édiction de précisions ou de prescriptions complémentaires.

Conseil d’État, 4 mai 2011, N° 321357


 Le préfet peut-il exercer un recours contentieux à l’encontre d’un permis de construire passé le délai de 3 mois prévu par le code de l’urbanisme ?

Oui s’il a introduit dans le délai de 3 mois un recours gracieux. Les dispositions du code de l’urbanisme, qui limitent le délai pendant lequel une autorisation de construire peut être retirée, spontanément ou à la demande d’un tiers, par l’autorité qui l’a délivrée, n’ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle, d’une part, à ce que le représentant de l’Etat puisse former un recours gracieux, jusqu’à l’expiration du délai dont il dispose pour déférer un tel acte au tribunal administratif, et d’autre part à ce que le cours de ce délai soit interrompu par ce recours gracieux.

Conseil d’État, 5 mai 2011, N° 336893

[1Photo : © Treenabeena