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La jurisprudence de la semaine du 16 au 20 mai 2011

Biens et domaines / Culture et patrimoine / Environnement / Fonction publique / Responsabilité pénale

(dernière mise à jour le 23/12/2011)

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Biens et domaines

 Une commune peut-elle réclamer à l’occupant sans titre de son domaine public, au titre de la période d’occupation irrégulière, une indemnité compensant les revenus qu’elle aurait pu percevoir d’un occupant régulier pendant cette période ?

Oui. A cette fin, elle doit rechercher le montant des redevances qui auraient été appliquées si l’occupant avait été placé dans une situation régulière, soit par référence à un tarif existant, lequel doit tenir compte des avantages de toute nature procurés par l’occupation du domaine public, soit, à défaut de tarif applicable, par référence au revenu, tenant compte des mêmes avantages, qu’aurait pu produire l’occupation régulière de la partie concernée du domaine public communal.

Conseil d’État, 16 mai 2011, N° 317675


Culture et patrimoine

 La protection des langues régionales constitue-elle un droit garanti par la Constitution ?

Non. L’article 75-1 de la Constitution [2] "n’institue pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit". Ainsi "sa méconnaissance ne peut donc être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution".

Décision du Conseil constitutionnel n° 2011-130 QPC du 20 mai 2011 NOR : CSCX1113974S


Environnement

 Le principe de précaution inscrit dans la charte de l’environnement conduit-il à une inversion de charge de la preuve au profit des victimes potentielles ?

Non : la charte de l’environnement et le principe de précaution ne remettent pas en cause les règles relatives à la charge de la preuve. Il appartient ainsi à celui qui sollicite l’indemnisation du dommage à l’encontre du titulaire d’une servitude que ce préjudice est la conséquence directe et certaine de celui-ci. Cette démonstration, sans exiger une preuve scientifique, peut résulter de présomptions graves, précises, fiables et concordantes. Une cour d’appel a pu ainsi, à bon droit, débouter l’exploitant d’un élevage de porc qui invoquait des perturbations électromagnétiques liées au voisinage d’une ligne à haute tension : selon la cour des éléments sérieux divergents et contraires s’opposaient aux indices existant quant à l’incidence possible des courants électromagnétiques sur l’état des élevage de sorte qu’il subsistait des incertitudes notables sur cette incidence. Ainsi la cour, "a pu retenir, sans inverser la charge de la preuve, que, compte tenu de l’ensemble des explications et données fournies, l’existence d’un lien de causalité n’était pas suffisamment caractérisée".

Cour de cassation, chambre civile 3, 18 mai 2011, N° 10-17645


Fonction publique

 Une collectivité territoriale peut-elle invoquer la spécificité régionale et culturelle d’un musée pour recruter son directeur sous le statut d’agent contractuel ?

Non dès lors :

 qu’il n’est pas démontré que les missions confiées n’auraient pu être assurées par un agent du cadre d’emplois des conservateurs territoriaux du patrimoine ;

 qu’il ne résulte pas de l’instruction que le recrutement d’un agent contractuel pour occuper ces fonctions ait été justifié par leur nature ou par les nécessités du service ;

 que ne présente pas le caractère d’une telle justification la spécificité régionale et culturelle du musée qu’invoque la commune en soutenant qu’elle limitait considérablement les candidats disponibles dans la fonction publique et rendait appréciable une connaissance des langues espagnole et basque.

En tout état de cause, cette spécificité n’appelait pas le recours d’emblée à un agent contractuel dont le recrutement a été effectué en même temps que son poste a été créé, avant même que le centre de gestion compétent n’ait été avisé de la création ou la vacance de l’emploi. Si la commune se prévaut de la publicité qu’elle a effectuée dans deux journaux nationaux, d’une part, celle-ci est intervenue avant la saisine du centre de gestion, qui n’a pu procéder à la publication règlementaire de l’emploi alors déjà pourvu, d’autre part, la commune ne donne aucune précision quant aux candidatures de titulaires ou non que sa propre publicité aurait suscitées. Enfin n’ont pas été respectées les dispositions du décret n° 2002-628 du 25 avril 2002 relatives aux qualifications requises pour exercer la responsabilité des activités scientifiques d’un musée de France. Peu importe que la création d’un poste de manager culturel à recruter en lieu et place de toute tutelle administrative actuelle a été recommandée par un audit. Une telle recommandation ne suffit pas à justifier l’inobservation des textes législatifs et règlementaires régissant la fonction publique, non plus que ceux portant sur les musées.

Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, 16 mai 2011, N° 10BX00365


Responsabilité pénale

 Peut-on invoquer une réponse ministérielle pour s’exonérer de toute responsabilité ?

Oui sous réserve que le juge estime qu’il s’agit d’une erreur de droit insurmontable. La Cour d’appel de Toulouse exonère ainsi de toute responsabilité un particulier poursuivi pour construction sans permis de construire après avoir installé une yourte sur un terrain dès lors que plusieurs réponses ministérielles ont clairement indiqué que les yourtes non équipées étaient dispensées de permis de construire.

Cour d’appel de Toulouse 19 mai 2011


 L’interdiction pour une personne poursuivie pour diffamation de rapporter la preuve des faits lorsque l’imputation se réfère à des faits qui remontent à plus de dix ans est-elle conforme à la Constitution ?

Non : "cette interdiction vise sans distinction, dès lors qu’ils se réfèrent à des faits qui remontent à plus de dix ans, tous les propos ou écrits résultant de travaux historiques ou scientifiques ainsi que les imputations se référant à des événements dont le rappel ou le commentaire s’inscrivent dans un débat public d’intérêt général". Ainsi "par son caractère général et absolu, cette interdiction porte à la liberté d’expression une atteinte qui n’est pas proportionnée au but poursuivi".

Le cinquième alinéa de l’article 35 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est donc déclaré contraire à la Constitution avec effet immédiat à toutes les imputations diffamatoires non jugées définitivement au 21 mai 2011.

Décision du Conseil constitutionnel n° 2011-131 QPC du 20 mai 2011 NOR : CSCX1113975S

[1Photo : © Treenabeena

[2Aux termes duquel « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France »