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Syndicaliste diffamé : diffamation envers un fonctionnaire ou à l’encontre d’un particulier ?

Cour de cassation, chambre criminelle, 7 décembre 2010, N° 09-82222

Un agent public qui est diffamé, dans le cadre de ses responsabilités syndicales, doit-il agir pour diffamation envers un fonctionnaire public ou pour diffamation envers un particulier ?

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Tout dépend de la nature des attaques dont il est l’objet : si c’est la manière dont est exercée le mandat syndical qui est visée, l’agent ne peut agir que pour diffamation envers un particulier.

Un agent hospitalier, permanent syndical, est accusé par un hebdomadaire "de se livrer à une propagande politicarde qui ne fait que desservir l’ensemble de ces salariés de la fonction publique" et de fédérer "des éléments destructeurs qui veulent toujours plus pour en faire toujours moins".

Le syndicaliste porte plainte avec constitution de partie civile contre le directeur de publication du journal et l’auteur de l’article pour diffamation publique envers un particulier.

La Cour d’appel de Rennes prononce la nullité des poursuites : à les supposer diffamatoires, de tels propos stigmatisent de façon quasi-exclusive la manière dont la partie civile s’acquitte de ses tâches professionnelles en soulignant qu’elle n’est animée que par le souci de travailler le moins possible tout en obtenant des gains plus élevés. Ainsi ils ne peuvent que s’analyser comme une diffamation commise envers un fonctionnaire public et non contre un particulier.

La Cour de cassation, casse et annule l’arrêt : ce qui est déterminant pour distinguer la diffamation envers un fonctionnaire de celle à l’encontre d’un particulier, ce n’est ni le mobile ayant inspiré les attaques, ni le but recherché par leur auteur mais "la nature du fait sur lequel elles portent". Pour qu’il y ait diffamation publique envers un fonctionnaire public il faut que les propos ou les écrits "contiennent des critiques d’actes de la fonction ou d’abus de la fonction" ou encore qu’ils "établissent que la qualité ou la fonction de la personne visée a été soit le moyen d’accomplir le fait imputé soit son support nécessaire."

Or en l’espèce, poursuivent les magistrats de cassation, "les propos litigieux, dont l’objet est de discréditer la partie civile dans l’exercice de son action syndicale, ne contiennent pas la critique d’un acte de la fonction d’aide-soignant exercée par celle-ci, ou d’un abus de la fonction, et n’établissent pas, contrairement à ce qu’ont estimé les juges d’appel, que la qualité ou la fonction de la personne visée ait été, soit le moyen d’accomplir l’acte imputé, soit son support nécessaire". Ils ne caractérisent pas plus "un acte se rattachant à la fonction ou à la qualité".

Cour de cassation, chambre criminelle, 7 décembre 2010, N° 09-82222

[1Photo : © Ximagination