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L’absence de poursuites disciplinaires contre un agent suspendu n’affecte pas la légalité de la suspension

La légalité d’une suspension de fonction est-elle remise en cause si l’administration renonce à donner des suites disciplinaires aux agissements (désinvolture et insolence) de l’agent ?

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Non : une mesure de suspension provisoire peut-être prise dès lors que l’administration est en mesure de faire état de griefs de nature à révéler une faute grave de l’intéressé. La circonstance que l’administration décide de ne pas donner de suites disciplinaires aux agissements de son agent est sans influence sur la légalité de la mesure de suspension.

Un agent de l’inspection de la protection judiciaire de la jeunesse est suspendu de ses fonctions. Son administration lui reproche "des retards et des erreurs dans l’exécution de son service, ainsi que des manifestations récurrentes de désinvolture, de mauvaise volonté, d’insubordination et d’insolence, constitutifs de manquements à ses obligations professionnelles".

L’administration décide finalement de ne pas donner de suites disciplinaires aux agissements de son agent, se contentant d’une mutation dans l’intérêt du service.

L’agent obtient devant le tribunal administratif de Fort-de-France l’annulation de l’arrêté de suspension. La Cour administrative d’appel de Bordeaux infirme le jugement et donne raison à l’administration :

 "la mesure provisoire de suspension (...) ne présente pas par elle-même un caractère disciplinaire, mais est seulement destinée à écarter temporairement un agent du service, dans l’attente d’éventuelles suites disciplinaires ou pénales" ;

 "elle peut être légalement prise dès lors que l’administration est en mesure de faire état de griefs de nature à révéler une faute grave de l’intéressé" ;

 "les dispositions de l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983, qui ont imparti à l’administration un délai de quatre mois pour statuer sur le cas d’un fonctionnaire qui a fait l’objet d’une mesure de suspension, qui visent à limiter les conséquences de la suspension, ne subordonnent pas sa légalité à l’engagement de poursuites disciplinaires" ;

 "lorsque l’administration décide de ne pas donner de suite disciplinaire aux agissements de son agent, cette circonstance reste sans influence sur la qualification des faits commis".

Et les magistrats d’appel d’en conclure que :

 compte tenu des répercussions du comportement de l’agent sur le fonctionnement du service, l’administration a pu, sans commettre d’erreur d’appréciation, décider de suspendre l’intéressé ;

 la mutation dans l’intérêt du service dont l’intéressé a fait ultérieurement l’objet n’est pas de nature à révéler une erreur de la part de l’administration dans l’appréciation de son comportement lors de l’intervention de la mesure de suspension.

Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, 1er mars 2011, N° 10BX00414

[1Photo : © Dennis Owusu-Ansah