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Majoration d’indice d’un agent contractuel : la commune engagée

Un maire peut-il revenir sur la majoration d’indice accordée à un agent contractuel, lors du renouvellement de son contrat, au motif que le nouveau contrat n’a pas été signé par l’intéressée ?

 [1]


Non : le contrat signé par le maire et transmis au contrôle de la légalité constitue un engagement juridique de la commune alors même qu’il n’aurait pas été signé par l’agent.

Une secrétaire de mairie est recrutée, en avril 2004, par une commune rurale de l’Ain (106 habitants) pour un contrat d’un an.

Lors du renouvellement du contrat, en avril 2005, sa rémunération est portée de l’indice majoré 278 à l’indice majoré 367 (indice brut 410).

Sept mois plus tard, le maire annule et remplace le contrat du 12 avril 2005 et fixe, à nouveau, la rémunération de l’intéressée à l’indice majoré 278.

La secrétaire de mairie demande aux juridictions administratives :

 de constater que son contrat initial du 12 avril 2005, à défaut de décision régulière de retrait, est applicable entre les parties ;

 de reconstituer ses droits au regard de la rémunération convenue et de lui verser les sommes indûment retenues par l’administration ;

 d’enjoindre à la commune, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, de lui délivrer ses bulletins de salaire rectifiés pour la période du 1er août 2005 au 14 avril 2006, une attestation ASSEDIC rectifiée, une attestation de versement de salaires rectifiée pour la caisse primaire d’assurance-maladie ;

 de condamner la commune à lui verser l’indemnité de congés payés correspondant à l’intégralité de ses droits, l’indemnité d’administration et de technicité pour l’année 2005 et une somme de 50 000 euros en réparation des préjudices résultant des fautes commises par la commune.

Déboutée en première instance, la secrétaire de mairie obtient gain de cause en appel :

 le contrat signé le 12 avril 2005 par le maire et transmis au sous-préfet constitue un engagement juridique de la commune alors même qu’il n’aurait pas été signé par l’intéressée ;

 "sauf s’il présente un caractère fictif ou frauduleux, le contrat de recrutement d’un agent contractuel de droit public crée des droits au profit de celui-ci" ;

 "lorsque le contrat est entaché d’une irrégularité, notamment parce qu’il méconnaît une disposition législative ou réglementaire applicable à la catégorie d’agents dont relève l’agent contractuel en cause, l’administration est tenue de proposer à celui-ci une régularisation de son contrat afin que son exécution puisse se poursuivre régulièrement".

La commune se défend en prétendant que l’agent a profité du décès, en cours de mandat, du maire en exercice pour exploiter l’inexpérience du nouveau maire et lui soumettre un projet de renouvellement à son avantage.

Insuffisant pour caractériser une fraude, répond la Cour administrative d’appel, dès lors "que l’indice de rémunération de l’agent est porté en caractères gras dans le contrat et que le maire, saisi le 12 mai 2005 d’un recours gracieux du sous-préfet tendant à l’annulation des stipulations contractuelles relatives à la rémunération de Mme A, n’a donné suite à cette demande que le 10 novembre 2005".

Sur le fond, les magistrats relèvent que la décision du maire majorant l’indice de la secrétaire n’était pas illégal. En effet :


 "il appartient au maire de nommer aux emplois créés par le conseil municipal et, notamment, de fixer, dans les limites prévues par le conseil, la rémunération d’un agent contractuel compte-tenu des fonctions confiées à celui-ci et de ses titres et expériences professionnelles" ;

 "en vertu des dispositions de l’article 1er du décret n° 87-1109 du 30 décembre 1987 alors applicable, les adjoints administratifs relèvent des échelles 4 et 5 de rémunération (...) ; il résulte des dispositions de l’article 2 du décret n° 87-1107 du même jour que les indices bruts minimum et maximum de l’échelle 5 sont 290 et 446".

Ainsi, le maire a pu, sans erreur de droit, fixer la rémunération de l’intéressée à l’indice brut 410 et ne pouvait légalement, en l’absence d’illégalité des stipulations du contrat du 12 avril 2005, annuler et remplacer ce contrat par sa décision du 10 novembre 2005.

Et les magistrats d’en conclure que l’illégalité de la décision du 10 novembre 2005 par laquelle le maire a modifié l’indice de rémunération, fixé par le contrat du 12 avril 2005, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune.

Cour administrative d’appel de Lyon, 19 avril 2011, N° 09LY02391

[1Photo : © Supri Suharjoto