Le portail juridique des risques
de la vie territoriale & associative

Interdiction de circuler dans les espaces naturels et respect du droit de propriété

Cour de cassation, chambre criminelle, 23 novembre 2010, N° : 10-85827

Un maire peut-il, pour préserver un site naturel, interdire l’accès aux véhicules sur certaines voies communales y compris pour les propriétaires de parcelles situées dans la zone protégée ?

 [1]


Oui dès lors :

 1° que l’arrêté n’emporte pas d’interdiction générale et absolue et laisse la possibilité de circuler aux véhicules utilisés pour remplir une mission de service public ou à des fins professionnelles d’exploitation et d’entretien des espaces naturels ;

 2° qu’il n’existe pas de mesures alternatives, moins restrictives pour les libertés, de nature à assurer efficacement l’objectif poursuivi.

Le maire de la commune de Sainte-Marie-de-Ré (3000 habitants) interdit, par arrêté, la circulation et le stationnement des véhicules de tout type sur le rivage de la mer ainsi que sur les espaces remarquables classés en zones naturelles Ndr et Ndc par le plan local d’urbanisme. Il entend ainsi protéger les espaces naturels du littoral, et notamment le cordon dunaire, du passage incessant des véhicules.

Treize propriétaires de parcelles situées dans la zone protégée sont verbalisés après avoir stationné leur véhicule en infraction à l’arrêté municipal.

Poursuivis devant la juridiction de proximité sur le fondement de l’article R. 610-5 du code pénal, ils invoquent l’illégalité de l’arrêté estimant que celui-ci porte une atteinte disproportionnée à leur droit de propriété.

L’argument fait mouche devant le juge de proximité :

 "l’interdiction de circulation et de stationnement des véhicules de tout type empêche les propriétaires de parcelles situées dans cette zone de se rendre sur leur terrain autrement qu’à pied et d’y exercer des activités de loisir ou d’entretien nécessitant l’emploi de matériel" ;

 ainsi "l’arrêté, qui a pour conséquence de priver de fait les propriétaires de leur droit de propriété, est illégal".

La Cour de cassation censure cette position :

 en application de l’article L2213-4 du code général des collectivités territoriales, "les maires peuvent aggraver les interdictions de circulation dans les espaces naturels faites aux véhicules terrestres à moteur par les articles L. 321-9 et L. 362-1 du code de l’environnement et interdire l’accès aux voies ou secteurs de la commune aux véhicules dont la circulation sur ces voies ou dans ces secteurs est de nature à compromettre la protection de ces espaces" ;

 "la légalité de ces mesures est subordonnée à leur nécessité" ;

Tel est bien le cas en l’espèce dès lors que l’arrêté ne présente pas le caractère d’une interdiction générale et absolue. En effet "l’interdiction n’a pas été rendue applicable sur les voies communales ne faisant pas l’objet d’une restriction par barrières, plots ou panneaux et sur les parkings publics aménagés ainsi qu’aux véhicules utilisés pour remplir une mission de service public ou à des fins professionnelles d’exploitation et d’entretien des espaces naturels".

En tout état de cause, la juridiction de proximité ne pouvait déclarer illégal l’arrêté du maire sans rechercher si l’objectif de protection du cordon dunaire pouvait être atteint par des mesures moins restrictives.

Cour de cassation, chambre criminelle, 23 novembre 2010, N° : 10-85827

[1Photo : © Ricardo Miguel