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La jurisprudence de la semaine du 21 au 25 mars 2011

Action sociale / Elections / Fonction publique / Marchés publics et contrats / Retraites / Responsabilités / Urbanisme

(dernière mise à jour le 19/09/2011)


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Action sociale

 La loi du 5 mars 2007 (modifiant les conditions d’exercice des missions des services de protection maternelle et infantile et d’aide sociale à l’enfance exercées par les départements) porte-t-elle atteinte aux principes de libre administration et d’autonomie financières des collectivités territoriales ?

Non. Le législateur n’a ni élargi le champ de leurs bénéficiaires, ni créé une nouvelle prestation sociale. "En particulier, l’établissement d’un bilan de santé pour les enfants âgés de trois à quatre ans, l’entretien psychosocial pour les femmes enceintes au cours de leur quatrième mois de grossesse ainsi que la mise en œuvre d’actions sociales et médico-sociales pour les parents en période postnatale, qui relevaient déjà des attributions de la protection maternelle et infantile, ne sauraient être regardés comme remettant en cause la nature ou l’objet de cette compétence". Ainsi le législateur "n’a procédé ni à un transfert aux départements d’une compétence qui relevait de l’Etat ni à une création ou extension de compétences". L’article 27 de la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance est donc jugé conforme à la Constitution.

Décision du Conseil Constitutionnel n° 2010-109 QPC du 25 mars 2011 NOR : CSCX1108523S


 La présence de fonctionnaires et de conseillers généraux au sein des commissions départementales d’aide sociale est-elle de nature à compromettre l’impartialité de ces juridictions administratives du premier degré (compétentes pour examiner les recours formés, en matière d’aide sociale, contre les décisions du président du conseil général ou du préfet) ?

Oui. Le Conseil constitutionnel juge que la présence dans cette juridiction de trois conseillers généraux élus par le conseil général (lorsque ce dernier est parti à l’instance) et de trois fonctionnaires de l’Etat en activité ou à la retraite, désignés par le représentant de l’Etat dans le département, ne garantissent pas l’impartialité et l’indépendance de cette juridiction.

Les deuxième et troisième alinéas de l’article L. 134-6 du code de l’action sociale et des familles sont ainsi déclarés contraires à la Constitution. La déclaration d’inconstitutionnalité prend effet à compter du 26 mars 2011. A compter de cette date et sans préjudice de modifications ultérieures de cet article, les commissions départementales d’aide sociale devront siéger dans la composition résultant de la présente déclaration d’inconstitutionnalité. C’est dire notamment que les conseillers généraux devront s’abstenir de participer à ces commissions chaque fois que le département est parti à l’instance. En outre, les décisions non définitives au 26/03/2011 rendues antérieurement par ces commissions pourront être remises en cause sur le fondement de cette déclaration d’inconstitutionnalité.

Décision du Conseil constitutionnel n° 2010-110 QPC du 25 mars 2011 NOR : CSCX1108524S


Elections

 Le maire doit-il avoir été mis à même de présenter ses observations avant que ne soit prononcée, par décret, la dissolution du conseil municipal ?

Non : la dissolution par décret d’un conseil municipal sur le fondement de l’article L2121-6 du code général des collectivités territoriales ne constitue pas une mesure individuelle au sens de la loi du 11 juillet 1979. Elle peut donc intervenir sans que le maire ait été mis à même de présenter ses observations. Aucun principe ni aucune disposition législative ou réglementaire n’imposent une consultation de l’ensemble des conseillers préalablement à la dissolution d’un conseil municipal.

Conseil d’État, 23 mars 2011, N° 339145


Fonction publique

 Une commune peut-elle postérieurement à la clôture de l’instruction opposer la prescription quadriennale à un fonctionnaire qui sollicite en justice le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) ?

Oui : une collectivité peut invoquer la prescription quadriennale jusqu’à la date de lecture du jugement par lequel le tribunal administratif se prononce sur le litige. Si de telles conclusions parviennent au tribunal après la clôture de l’instruction, celui-ci est alors tenu de statuer sur l’exception et, s’il entend y faire droit, de rouvrir l’instruction.

Conseil d’État, 21 mars 2011, N° 339062


Marchés publics et contrats

 L’absence de transmission au contrôle de la légalité de la délibération autorisant le maire à signer un contrat oblige-t-elle le juge à annuler le contrat ou l’écarter pour régler un litige relatif à son exécution ?

Non : si l’absence d’une telle transmission constitue un vice affectant les conditions dans lesquelles la commune a donné son consentement, l’exigence de loyauté des relations contractuelles s’oppose à ce que ce seul vice conduise le juge à annuler le contrat ou à l’écarter pour régler un litige relatif à son exécution.

Conseil d’État, 21 mars 2011, N° 304806


 Une partie qui conteste la résiliation d’un contrat administratif peut-elle exercer un recours tendant à la poursuite des relations contractuelles ?

En principe non : une partie qui conteste la résiliation d’un contrat administratif ne peut qu’obtenir des indemnités compensatrices. Cependant, elle peut exercer une action tendant à la reprise des relations contractuelles dans le délai de deux mois à compter de la date à laquelle elle a été informée de la résiliation.

Conseil d’État, 21 mars 2011, N° 304806


 Une partie qui a pris l’initiative de la résilier un contrat administratif est-elle tenue d’informer son cocontractant des voies et délais de recours dont il dispose ?

Non : les dispositions de l’article R. 421-5 du code de justice administrative ne sont pas applicables à un recours de plein contentieux tendant à la reprise des relations contractuelles.

Conseil d’État, 21 mars 2011, N° 304806


 Une partie qui conteste la résiliation d’un contrat administratif, peut-elle demander en référé la suspension de la résiliation ?

Oui. Pour apprécier le caractère d’urgence de la mesure de suspension demandée, le juge des référés doit prendre en compte non seulement l’intérêt des parties (notamment leur situation financière) mais aussi celle de tiers ( notamment l’intérêt du titulaire d’un nouveau contrat dont la conclusion aurait été rendue nécessaire par la résiliation de la convention en litige). Enfin, pour apprécier le caractère sérieux quant au moyen soulevé, le juge doit vérifier que les vices affectant le contrat ne sont pas suffisamment graves pour faire obstacle à la reprise des relations contractuelles.

Conseil d’État, 21 mars 2011, N° 304806


Responsabilités

 Les juridictions correctionnelles restent-elles compétentes pour statuer sur l’action civile lorsque la loi pénale, fondement des poursuites, est abrogée en cours de procédure ?

Oui si une décision sur le fond concernant l’action publique est intervenue avant l’abrogation de la loi pénale.

Cour de cassation, chambre criminelle, 22 mars 2011,
N° 10-80203


 Déclaration de gestion de fait : les personnes déclarées comptables de fait sont-elles solidairement responsables des opérations irrégulières ?

Oui si le juge des comptes estime que chacune des personnes mises en cause a participé de façon suffisamment déterminante aux opérations irrégulières. Le lien de solidarité ainsi instauré entre elles ne peut plus être remis en cause à l’occasion du jugement du compte de cette gestion de fait, seul pouvant être discuté à ce stade le périmètre exact des opérations comptables auxquelles s’applique cette solidarité. Le juge des comptes doit alors déterminer autant de lignes de compte qu’il y a de périmètres de solidarité entre les personnes déclarées comptables de fait des deniers de la gestion.

Conseil d’État, 21 mars 2011, N° 318825


 La remise gracieuse accordée à une personne déclarée comptable de fait, entraîne-t-elle une réduction de la dette des co-auteurs solidaires de cette gestion de fait ?

Oui : "l’extinction de la dette vis-à-vis du codébiteur ayant bénéficié d’une remise gracieuse dispense l’ensemble des autres codébiteurs solidaires du paiement de celle-ci dans les limites du montant à hauteur duquel la remise a été accordée". Ainsi "le créancier ne peut plus répéter la dette auprès des autres codébiteurs que déduction faite de la part de celui auquel il a fait la remise ou, dans les cas d’octroi d’une remise partielle, du montant de celle-ci".

Conseil d’État, 21 mars 2011, N° 318825


Retraites

 L’article L43 du code des pensions civiles et militaires de retraite, qui définit les droits à la pension de réversion en présence d’une pluralité d’ayants cause de lits différents, est-il conforme à la Constitution ?

Non. En principe le conjoint d’un fonctionnaire civil a droit à une pension de réversion égale à 50 % de la pension obtenue par le fonctionnaire ou qu’il aurait pu obtenir le jour de son décès ; chaque orphelin a droit jusqu’à l’âge de vingt et un ans à une pension égale à 10 %. L’article L43 du code des pensions civiles et militaires de retraite prévoit, en présence d’une pluralité d’ayants cause de lits différents, la division de la pension définie à parts égales entre les lits, que ceux-ci soient représentés par le conjoint survivant ou divorcé ayant droit à pension ou par un ou plusieurs orphelins âgés de moins de vingt et un ans. Dans le cas où deux lits au moins sont représentés par un ou plusieurs orphelins, la division à parts égales entre les lits, quel que soit le nombre d’enfants qui en sont issus, conduit à ce que la part de la pension due à chaque enfant soit fixée en fonction du nombre d’enfants issus de chaque lit. Le Conseil constitutionnel juge "que la différence de traitement qui en résulte entre les enfants de lits différents n’est pas justifiée au regard de l’objet de la loi qui vise à compenser, en cas de décès d’un fonctionnaire, la perte de revenus subie par chacun de ses ayants cause" et que l’article L. 43 doit, en conséquence, être déclaré contraire à la Constitution. Le législateur a jusqu’au 1er janvier 2012 pour apprécier les suites qu’il convient de donner à cette déclaration d’inconstitutionnalité.

Décision du Conseil constitutionnel n° 2010-108 QPC du 25 mars 2011 NOR : CSCX1108521S


Urbanisme

 Une commune qui délivre un certificat d’urbanisme positif engage-t-elle sa responsabilité si le terrain n’est pas constructible ?

Oui : commet une faute de nature à engager la responsabilité de la commune, le maire qui déclare une parcelle aménageable et constructible alors qu’elle ne l’était pas. La commune ne saurait invoquer une faute du titulaire du certificat qui n’a pas vérifié l’exactitude des mentions portées sur le certificat dès lors qu’aucune des mentions qui y étaient portées n’était de nature à attirer son attention quant aux erreurs et omissions qu’il comportait.

Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, 21 mars 2011, N° 10BX01635


 La délibération modifiant un plan local d’urbanisme (PLU) est-elle exécutoire bien que le préfet ait notifié à la commune dans le mois suivant sa transmission, les modifications qu’il estimait nécessaire d’y apporter ?

Non : dans les communes non couvertes par un schéma de cohérence territoriale, les observations du préfet formulées dans le mois suivant sa transmission, neutralisent le caractère exécutoire de la modification du PLU. Il en résulte notamment que des conclusions dirigées contre cette délibération sont sans objet. Dans de telles circonstances, seule la délibération approuvant un plan local d’urbanisme modifié à la demande du préfet a pour effet de substituer un nouveau plan au plan non exécutoire approuvé initialement.

Conseil d’État, 24 mars 2011, N° 327373

[1Photo : © Treenabeena