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Accident du travail : élu relaxé, collectivité condamnée.

TC Grenoble 19 janvier 2004

Les règles de sécurité étaient connues de tous. Leur fréquent non respect aussi. Jusqu’au jour où, négligeant la consigne, une benne a fait marche arrière sans que les rippeurs aient mis pied à terre. L’un d’eux est tombé, mortellement blessé au cours d’une manoeuvre de routine. A qui la faute ?

En avril 1998, comme chaque matin, la benne à ordure remonte en marche arrière une impasse d’environ 300 mètre. Un agent de salubrité tombe du marchepied. Traîné sur plusieur mètres, il est mortellement blessé.

Après enquête, le parquet classe l’affaire sans suite mais les ayants-droit de la victime se constituent partie civile devant le doyen des juges d’instruction. A l’issue de l’information judiciaire, le président du syndicat et le syndicat, personne morale, sont poursuivis en correctionnelle pour homicide involontaire.

Dans un jugement rendu le 19 janvier 2004, le tribunal correctionnel de Grenoble relaxe l’élu mais condamne la personne morale.

De manière assez surprenante, les magistrats relèvent en préambule "que le Code du travail est inapplicable aux collectivités territoriales même lorsqu’elles emploient du personnel en vertu d’un contrat de travail de droit privé". C’est oublier qu’en vertu de l’article 3 du décret du 10 juin 1985, "dans les services des collectivités et établissements mentionnés à l’article 1er, les règles applicables en matière d’hygiène et de sécurité sont, sous réserve des dispositions du présent décret, celles définies au titre III du livre II du code du travail et par les décrets pris pour son application".

Cette erreur d’appréciation initiale n’a pas empêché cependant le tribunal d’analyser précisément les circonstances de l’accident et de rechercher si une faute avait été commise ayant contribué au décès de l’agent.

A cet égard, les magistrats relèvent pour relaxer le président du Syndicat que le "prévenu a rappelé à plusieurs reprises, les consignes de sécurité, notamment celle de descendre du marchepied de la benne lorsque le véhicule devait effectuer une marche arrière" et que ces "consignes étaient régulièrement rappelées à chaque réunion de service et affichées sur un panneau dans un local accessible à tous les agents".

Cependant, si cet élément est jugé exonératoire de responsabilité pour l’élu, la responsabilité pénale du syndicat personne morale n’en est pas moins retenue. En effet, les magistrats retiennent plusieurs éléments à charge :

1) Il ressort des éléments du dossier qu’au sein du SIRTOM, on avait conscience que les consignes de sécurité n’étaient pas toujours respectées. Un cadre ayant indiqué au cours d’un interrogatoire "qu’avec certaines équipes, il faudrait parfois un gendarme sur chaque véhicule".

2) Aucune disposition du règlement intérieur n’avait été prise pour s’assurer de l’effectivité des consignes de sécurité et qu’aucune sanction n’avait été prise malgré la connaissance du non respect des consignes par certains rippeurs. Le tribunal relève ainsi "que les consignes orales et générales rappelées lors des réunions étaient tout à fait insuffisantes".

3) Un accident similaire s’était déjà produit un an plus tôt. Il avait été décidé la mise en place d’une formation qui était programmée à une date postérieure à l’accident.

4) Dans son interrogatoire le président du syndicat avait reconnu que "des difficultés avaient été pointées dès 1996 mais le temps de faire avancer les choses était très long".

5) "Un inventaire des lieux à risque pour les longues marche arrière (supérieures à 15 mètres) ainsi qu’une modification corrélative des plans de tournée des camions et de la suppression de certains points de collecte particulièrement dangereux, comme celle de l’impasse [où s’est produit l’accident] d’une longueur de 300 mètres aurait dû intervenir beaucoup plus rapidement".

6) "Le SIRTOM, dans un souci de prise en compte de l’intérêt des usagers, n’a pas su concilier le principe de la continuité du service public et les exigences de sécurité de ses employés ; qu’en effet le principe n’implique pas que le service de ramassage soit assuré à la porte de chaque habitation et n’interdit pas que des regroupements soient aménagés ; que c’est dans cet esprit que suite à l’accident, le maire de C. a pris la décision de cesser la collecte dans l’impasse".

En conséquence, "par suite de cette négligence dans la prise en compte de la sécurité, de cette particulière lenteur voire inertie pour imposer aux communes concernées des modifications suffisantes pour faire respecter cet impératif, le SIRTOM a involontairement causé le décès de la victime" justifiant sa condamnation à 2500 euros d’amende.

Les ayants-droits de la victime demandaient 62000 euros de dommages-intérêts. Le tribunal les invite à saisir le Tribunal des affaires de sécurité sociale compétent dès lors que l’agent était de droit privé (s’il avait été fonctionnaire, c’est le tribunal administratif qui aurait été compétent).