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Boycott de produits étrangers : appel à la discrimination raciale ?

Cass crim 28 septembre 2004, Inédit

En boycottant les produits isréaliens à la cantine municipale, et en donnant un large écho à sa décision, en réaction au conflit du Proche-Orient, le maire s’est-il rendu coupable de provocation à la discrimination raciale ?

Pour protester "contre la politique du chef du gouvernement israélien à l’encontre du peuple palestinien", le maire d’une commune de 10 000 habitants, annonce en séance du conseil en octobre 2002 son intention de boycotter les produits israéliens pour l’approvisionnement de la cantine municipale. Ses propos sont repris sur le site internet de la commune.

Le procureur de la République fait directement citer l’élu devant le tribunal correctionnel pour "provocation à la discrimination raciale, sur le fondement de l’article 24, alinéa 8, de la loi du 29 juillet 1881".

Relaxé en première instance, le maire est, sur appel du parquet, condamné par la Cour de Douai à 1000 euros d’amende. Il saisit alors la Cour de cassation en relevant principalement :

 "qu’une décision de boycott des produits d’un pays donné ne saurait être discriminatoire que si elle manque de justifications objectives et raisonnables, c’est à dire si elle ne poursuit pas un but légitime ou s’il n’y a pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé" ;

 "qu’en l’espèce, dans le contexte particulier du conflit du Proche Orient faisant l’objet d’un large débat public et passionné, une décision de boycott des produits israéliens, destinée à protester contre la politique menée par le chef du Gouvernement israélien, se trouvait justifiée par l’exercice par l’intéressé de sa liberté d’expression, fondement essentiel d’une société démocratique".

Ces arguments sont écartés par la Cour de cassation qui, dans un arrêt rendu le 28 septembre 2004, confirme la condamnation de l’élu : "en annonçant son intention de demander aux services de restauration de la commune de ne plus acheter de produits en provenance de l’Etat d’Israël, [le prévenu] a incité ceux-ci à tenir compte de l’origine de ces produits et, par suite, à entraver l’exercice de l’activité économique des producteurs israéliens, cet appel au boycott étant fait en raison de leur appartenance à la nation israélienne. En cet état, et dès lors que la diffusion sur le site internet de la commune de la décision prise par le maire de boycotter les produits israéliens, accompagnée d’un commentaire militant, était en multipliant les destinataires du message, de nature à provoquer des comportements discriminatoires, la cour d’appel a justifié sa décision".