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Maison de retraite : vraiment médicalisée ?

cass. crim. 16 décembre 2003

La plaquette de l’établissement parle de "résidence hôtelière médicalisée". A la suite du décès d’un résident, ce qualificatif vaut notamment à la maison de retraite des poursuites pour publicité mensongère.

En 1997 le pensionnaire d’une maison de retraite décède des suites d’un oedème aigu du poumon. Quelques heures plus tôt une infirmière de l’établissement, constatant les difficultés de respiration du patient, avait procédé à une aspiration buccale. Deux étudiants en médecine stagiaires dénoncent le manque de qualification du personnel.

Sur constitution de parties civiles de syndicats professionnels, une information judiciaire est ouverte contre l’infirmière et le gérant de la maison de retraite des chefs d’homicide involontaire, de non assistance à personne en péril, de délaissement d’une personne hors d’état de se protéger en raison de son état physique et de publicité mensongère.

A l’appui de leurs plaintes, les parties civiles relèvent que :

1) les plaquettes publicitaires de la maison de retraite la présentant comme une "résidence hôtelière médicalisée" qui assure à ses résidents des séjours de courte ou de longue durée, "un service de soins et une présence infirmière 24 heures sur 24", "un personnel nombreux et qualifié" et "un service médical 24 heures sur 24, qui va jusqu’au bout" étaient trompeuses "puisque la maison de retraite n’est pas médicalisée et qu’aucun médecin n’est attaché à l’établissement 24 heures sur 24" ;

2) l’infirmière "n’avait aucune formation en urgence et ignorait qu’il ne fallait pas aspirer les oedèmes aigus du poumon" ;

3) l’infirmière se serait opposée à l’hospitalisation d’un patient, aurait interdit d’appliquer le protocole de soins prescrit d’un autre car prenant trop de temps, aurait surestimé l’état d’un troisième patient décédé, et aurait délibérément dissimulé au médecin la gangrène d’un autre pensionnaire de sorte qu’il était trop tard pour l’amputer.

Dans un arrêt rendu le 16 décembre 2003, la Cour de cassation confirme le non lieu rendu par la chambre de l’instruction. Les magistrats relèvent en effet :

1) sur le délit de publicité mensongère :

 "qu’il n’existe pas de norme administrative pour avoir le label "maison de retraite médicalisée" et que l’établissement en question est un établissement d’hébergement et non de soins, ce qui implique qu’il ne doit pas accueillir de personnes nécessitant des soins infirmiers continus" ;

 "qu’il ressort de la plaquette publicitaire que ce service recouvre les prestations suivantes : le patient garde le libre choix de l’intervenant libéral (médecin, infirmier), un centre de soins infirmiers, avec à sa tête une surveillante et un médecin attaché, assure un suivi médical jour et nuit et une salle de kinésithérapie permet de suivre une rééducation ;

 que "les résidents peuvent recourir à leur médecin traitant ou à un médecin référent qui fait des passages quotidiens, et le personnel soignant assure une présence 24 heures sur 24" ;

 que "le rapport de la DDASS de 1997 n’a pas relevé de manquements majeurs et délibérés du suivi médical des pensionnaires".

2) Sur le délit d’homicide involontaire :

 qu’il résulte des déclarations du médecin traitant du pensionnaire décédé que ce dernier a été hospitalisé à plusieurs reprises en 1996 et 1997 pour évaluation gériatrique, et est revenu de sa dernière hospitalisation en mai 1997 avec un pronostic de fin de vie" ;

 qu’il n’est pas établi qu’en effectuant une aspiration buccale, l’infirmière ait été à l’origine du décès ;

 que la famille du pensionnaire [qui n’avait pas porté plainte] "paraît avoir été globalement satisfaite des prestations dont il a bénéficié dans cet établissement".

3) Sur le délits de non assistance à personne en péril et de délaissement :

 que "ces délits exigent que leurs auteurs se soient volontairement abstenus de porter assistance ou de provoquer les secours" ;

 que selon le médecin attaché à la maison de retraite l’infirmière "n’a jamais retardé une hospitalisation ni fait obstruction aux traitements prescrits, mais était à l’écoute des patients et des familles et n’hésitait pas à contacter les médecins traitants en cas de besoin".

 que toujours selon ce médecin les deux étudiants en médecine, "ne pouvaient pas, en raison de leur expérience limitée, porter des jugements médicaux fondés, sans compter leur manque de pratique gériatrique".