
Conseil Constitutionnel,17 septembre 2010, Décision n° 2010-26 QPC
La procédure d’expropriation pour cause d’insalubrité irrémédiable de l’immeuble est-elle conforme à la Constitution ?
[1]
Oui dès lors que le tempérament apporté à la règle du caractère préalable de l’indemnisation est assorti de la garantie des droits des propriétaires intéressés
Les articles 13, 14, 17 et 18 de la loi du 10 juillet 1970 confient au préfet la possibilité de prendre possession d’immeubles déclarés insalubres à titre irrémédiable ou qui ont fait l’objet d’un arrêté de péril assorti d’une ordonnance de démolition ou d’une interdiction définitive d’habiter. Un office d’accession au logement conteste le caractère constitutionnel de ces dispositions en ce qu’elles dérogent à la règle du caractère préalable de l’indemnisation due aux propriétaires expropriés.
Le Conseil constitutionnel déclare les dispositions de la loi de 1970 tendant à faciliter la suppression de l’habitat insalubre conformes à la Constitution.
En effet :
la procédure d’expropriation des immeubles à usage d’habitation déclarés insalubres à titre irrémédiable ne peut être mise en œuvre que lorsque la commission départementale compétente en matière d’environnement et de risques sanitaires et technologiques a conclu au caractère irrémédiable de l’insalubrité de l’immeuble ;
une telle qualification est strictement limitée par l’article L. 1331-26 du code de la santé publique aux cas dans lesquels « il n’existe aucun moyen technique d’y mettre fin, ou lorsque les travaux nécessaires à sa résorption seraient plus coûteux que la reconstruction » ;
l’ensemble de ces dispositions a pour objet de mettre fin dans les meilleurs délais à l’utilisation de locaux ou d’habitation présentant un danger pour la santé ou la sécurité des occupants ;
l’article L. 1331-27 du code de la santé publique garantit l’information du propriétaire quant à la poursuite de la procédure relative à la déclaration d’insalubrité de l’immeuble et lui offre la faculté d’être entendu à l’occasion des différentes étapes de celle-ci ;
le propriétaire conserve la possibilité de contester devant le juge administratif les actes de la phase administrative de la procédure d’expropriation ;
la prise de possession du bien est subordonnée au paiement ou, en cas d’obstacle au paiement, à la consignation de l’indemnité provisionnelle au moins égale au montant de son évaluation par le service des domaines ;
si le préfet fixe l’indemnité provisionnelle d’expropriation, il revient, à défaut d’accord amiable, au juge de l’expropriation d’arrêter le montant de l’indemnité définitive [2] ;
en précisant que la valeur des biens « est appréciée, compte tenu du caractère impropre à l’habitation des locaux et installations expropriés, à la valeur du terrain nu », le deuxième alinéa de l’article 18 ne fait que tirer les conséquences de la déclaration d’insalubrité irrémédiable".
Et le juge constitutionnel d’en conclure "qu’il résulte de l’ensemble de ces dispositions que le tempérament apporté à la règle du caractère préalable de l’indemnisation est assorti de la garantie des droits des propriétaires intéressés".
Conseil Constitutionnel,17 septembre 2010, Décision n° 2010-26 QPC
[1] Photo : © Alex Kosev
[2] A cette fin, le juge judiciaire détermine, dans le cadre de l’article 18 de la loi du 10 juillet 1970, le montant de l’indemnité principale qui devra être versée à l’exproprié
Ce qu'il faut en retenir
Lorsqu’un immeuble (quel qu’il soit : bâti ou non, vacant ou non, attenant ou non à la voie publique), un groupe d’immeubles, un îlot ou un groupe d’îlots constitue, soit par lui-même, soit par les conditions dans lesquelles il est occupé ou exploité, un danger pour la santé des occupants ou des voisins, le maire peut saisir le préfet pour qu’il fasse usage de ses prérogatives de police relatives aux immeubles insalubres.
Lorsque l’insalubrité est qualifiée d’irrémédiable (lorsqu’il n’existe aucun moyen technique d’y mettre fin, ou lorsque les travaux nécessaires à sa résorption seraient plus coûteux que la reconstruction), le préfet prononce l’interdiction définitive d’habiter et peut également ordonner la démolition de l’immeuble. Le préfet prescrit alors toutes mesures nécessaires pour empêcher l’accès et l’usage de l’immeuble au fur et à mesure de son évacuation. Les mêmes mesures peuvent être décidées à tout moment par le maire au nom de l’Etat. Ces mesures peuvent faire l’objet d’une exécution d’office.
Le maire de la commune ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale, à l’initiative duquel la procédure a été engagée, doit fournir un plan parcellaire de l’immeuble avec l’indication des noms des propriétaires tels qu’ils figurent au fichier immobilier de la conservation des hypothèques. Lorsque cette initiative a pour objet de faciliter l’assainissement ou l’aménagement d’un îlot ou d’un groupe d’îlots, le projet d’assainissement ou d’aménagement correspondant est également fourni.