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Inéligibilité : une peine accessoire et (presque) automatique

CE 7 janvier 2004

Une peine accessoire pour le juge mais cruellement déterminante pour l’élu : l’inégibilité intervient automatiquement en cas de favoritisme avéré. Mais si le tribunal n’a pas besoin de la prononcer, encore faut-il qu’elle soit exécutée.

Le maire d’une commune aquitaine de 4800 habitants est définitivement condamné du chef de favoritisme par jugement du Tribunal correctionnel de Bordeaux du 19 juin 2000 pour des faits commis entre janvier 1995 et août 1996. Il n’en est pas moins réélu aux élections de 2001.

Pourtant, en vertu de l’article L7 du code électoral (loi du 19 janvier 1995), "ne doivent pas être inscrites sur la liste électorale, pendant un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive, les personnes condamnées pour l’une des infractions prévues par les articles 432-10 à 432-16 (...) du code pénal". La radiation des listes électorales emporte naturellement inéligibilité même si celle-ci n’a pas été prononcée par les juridictions pénales. En outre, en vertu de l’article L236 du code électoral, le conseiller municipal inéligible "doit immédiatement être déclaré démissionnaire d’office par le préfet".

Il s’agit d’une peine dite accessoire : autrement dit, il n’est pas nécessaire que la juridiction pénale l’ait expressément prononcée. Encore faut-il que celle-ci soit exécutée.

Or, en l’espèce, le maire n’a été radié des listes électorales qu’en décembre 2001, soit postérieurement à sa réélection.

Des électeurs de la commune saisissent alors le préfet pour qu’il déclare l’élu démissionnaire d’office. La préfecture gardant le silence, ils attaquent alors ce refus implicite devant les juridictions administratives.

Dans un arrêt rendu le 7 janvier 2004, le Conseil d’Etat (n°258240) valide l’élection du maire et la position du préfet : celui n’aurait pu déclarer l’élu démissionnaire d’office, sur le fondement de l’article 236 du code électoral, que si la cause d’inéligibilité était "survenue postérieurement à son élection".

Ce qui n’était pas le cas en l’espèce puisque la condamnation définitive du maire datait de juin 2000. CQFD.

Le raisonnement juridique suivi par le Conseil d’Etat est implacable et non contestable. Il peut laisser un goût d’inachevé et interroger sur l’effectivité de l’application, non seulement de l’article L7 du code électoral, mais également de toutes les peines d’inéligibilité expressément prononcées par les juridictions pénales. Ainsi un dysfonctionnement administratif peut volontairement ou non (par ignorance de la décision de condamnation) neutraliser une peine d’inéligibilité résultant d’une condamnation pénale. On en mesure tout le danger s’agissant d’affaires particulièrement sensibles. Ne serait-il pas plus cohérent de réserver au juge le soin d’apprécier l’opportunité de prononcer l’inéligibilité tout en s’assurant ensuite de l’effectivité de la peine ?