Un fonctionnaire peut-il se rendre coupable de prise illégale d’intérêts s’il apporte son concours, dans l’exercice de ses missions, à l’exécution d’une décision de justice à laquelle il est intéressé à titre privé ?
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En avril 1997, le président du TGI de Toulon ordonne l’expulsion d’occupants d’un immeuble acquis par une SCI. Au cours des opérations d’expulsion, réalisées avec le concours de la force publique, l’un des occupants, fait une chute de huit mètres du haut d’une terrasse de l’immeuble.
L’enquête établit que le commissaire de police, responsable des opérations matérielles d’expulsion, avait eu un intérêt à accélérer la procédure en sa qualité de détenteur de parts de la SCI constituée avec son épouse et ses enfants. Il est condamné pour prise illégale d’intérêts [2].
Il lui est plus précisément reproché d’être intervenu auprès des deux fonctionnaires de police chargés sous son autorité d’instruire la demande de concours de la force publique présentée par la SCI, afin que soit très rapidement remis au préfet un rapport concluant à ce que l’expulsion ne comportait pas de risque de troubles à l’ordre public.
Malgré cette condamnation, la demande indemnitaire des occupants expulsés est parallèlement rejetée par le tribunal administratif puis par la Cour administrative d’appel.
Selon les juges du fond :
– les faits constatés par le juge pénal n’ont pas affecté la légalité de la décision du préfet accordant le concours de la force publique ;
– les conditions de l’intervention des forces de l’ordre ont présenté un caractère approprié à la situation.
Cette position est censurée par le Conseil d’Etat :
1° Il résulte des constatations du juge pénal, revêtues de l’autorité absolue de la chose jugée, que c’est à l’issue d’une instruction dépourvue des nécessaires garanties d’impartialité que, au vu du rapport ainsi établi, le préfet a accordé le concours de la force publique. La faute personnelle commise par le commissaire de police à cette occasion n’étant pas détachable du service, les victimes sont en droit d’actionner la responsabilité de l’administration.
2° La précipitation particulière apportée à l’expulsion des requérants s’est accompagnée de la mise en œuvre de moyens disproportionnés à leur endroit.