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Vous avez dit erreur de droit ?

cass. crim. 25 juin 1996

L’article 122-3 du Code pénal stipule que le prévenu n’est pas pénalement responsable s’il justifie avoir cru - par une erreur sur le droit qu’il n’était pas en mesure d’éviter - pouvoir légitimement accomplir l’acte. Oui mais, comment en faire la démonstration ?

Un conseil municipal d’une commune bretonne de 7 500 habitants, soucieux d’assurer le développement économique de sa région et d’y attirer des investisseurs consulte un cabinet d’avocat pour étudier quels projets peuvent légalement être mis en oeuvre. Il est décidé la création d’une société civile, chargée d’une mission de promotion immobilière comportant la réalisation d’un centre de thalassothérapie et d’hôtels ainsi que l’aménagement de bassins portuaires.

Le maire se voit conférer dans cette société un pouvoir de "censeur" et un droit de veto dans l’intérêt de la commune pour permettre à celle-ci de contrôler l’activité de la société. Les parts sont réparties entre 3 associés, parmi lesquels le maire et un adjoint délégué aux affaires maritimes. Ce montage a été conseillé aux élus par le cabinet d’avocat qu’ils avaient préalablement consulté et a été validé par les services de la préfecture.

La Cour de cassation (Cass. crim. 25 juin 1996 Bull 273) n’en confirme pas moins leur condamnation à treize mois d’emprisonnement avec sursis pour le maire et trois mois d’emprisonnement avec sursis pour l’adjoint. Les juges relèvent à ce titre que :

 les élus avaient participé à la délibération du conseil décidant la création de la société en question ;

 la commune avait cautionné la société pour un emprunt bancaire de 2 000 000 de francs ;

 que la collectivité s’était enfin engagée à prendre à sa charge le remboursement du prêt, sans que les sommes ainsi réglées puissent avoir le caractère d’avances remboursables, au cas où les projets immobiliers ne pourraient se réaliser pour des raisons indépendantes de la société.

Les magistrats constatent dans le même temps que :

 le maire en sa qualité de censeur avait un droit de veto sur le choix des investisseurs éventuels et le pouvoir exclusif de débloquer les fonds nécessaires au fonctionnement de la société et qu’il devait donc être assimilé à un dirigeant de fait ;

 les deux élus étaient intéressés par les parts qu’ils détenaient dans la société ;

 qu’aucun projet n’a pu aboutir malgré l’utilisation de l’intégralité des sommes empruntées et cautionnées par la collectivité locale.

Et la Cour de conclure que les élus avaient pris "intérêt personnel, fut-il exclusif de toute rémunération ou contrepartie pécuniaire (...) dans le fonctionnement de cette société (...) et que l’élément moral du délit poursuivi résulte du manquement des prévenus à l’obligation, que leur imposait leur mandat électif, de vérifier la régularité des engagements qu’ils prenaient pour eux-mêmes ou pour la commune".