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Les réponses de la jurisprudence

Semaine du 1 au 8 mai 2010

Retrouvez une sélection de décisions de justice intéressant les collectivités locales et les associations.


 [1]

Association

 Une commune peut-elle être déclarée civilement responsable de l’accident survenu à l’occasion de feux de la Saint-Jean organisés par une association ?

Non dès lors que la manifestation a été organisée à la seule initiative de l’association, le
maire ayant seulement autorisé cette personne morale à ouvrir un débit de boissons de deuxième catégorie. Aucune délégation d’une mission de service public de la commune n’est intervenue. Il appartenait aux organisateurs, c’est-à-dire à l’association, de prendre toute mesure pour empêcher les personnes visiblement incapables de réaliser ce saut ou de mesurer le danger, notamment en raison d’un état d’ivresse manifeste, de
s’approcher du feu.

Cour d’appel de Nîmes, 6 octobre 2009 (Voir le commentaire de Marie-France Steinlé-Feuerbach au JAC).


Droit communautaire

  Un justiciable peut-il se prévaloir, à l’appui d’un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions d’une directive, lorsque l’Etat n’a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires ?

Oui mais encore faut-il que les dispositions de la directive soient précises et inconditionnelles. Sont en effet dépourvues d’effet direct des dispositions communautaires imprécises.

Conseil d’État, 17 mars 2010, N° 314114


Enquête publique

 La circonstance que les conclusions de la commission d’enquête ont été rendues plus de six mois après l’ouverture de l’enquête publique, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 11-1 du code de l’expropriation, est-elle de nature à vicier la procédure ?

Non "cette circonstance est sans influence sur la régularité de la procédure d’enquête et de l’avis de la commission d’enquête dès lors que le délai en cause n’est pas prescrit à peine de nullité".

Conseil d’État, 17 mars 2010, N° 314114


 Les documents soumis à l’enquête doivent-ils décrire en détail les ouvrages envisagés ?

Non. "Au stade de l’enquête publique, les documents soumis à l’enquête ont pour objet non de décrire en détail les ouvrages envisagés, mais seulement de permettre au public de connaître la nature et la localisation des travaux prévus ainsi que les caractéristiques générales des ouvrages les plus importants".

Conseil d’État, 17 mars 2010, N° 314114


Environnement

 Les juridictions de l’ordre judiciaire sont-elles compétentes pour
connaître de la demande d’interdiction d’installation d’antennes téléphoniques sur le clocher d’une église ?

Non. En effet "aux termes de l’article L.2111-17 du code générai de la propriété des
personnes publiques (CGPPP), les fréquences hertziennes relèvent, par
détermination de la loi du domaine public de l’Etat et, par application de l’article
L.2124-26 du même code, l’utilisation de ces fréquences constitue un mode
d’occupation privatif du domaine public de l’Etat
". Ainsi la demande d’interdiction "aurait pour effet, sur la partie du territoire couverte par cette station, de priver de tout effet les autorisations administratives obtenues par Orange France pour pouvoir utiliser le domaine public de l’état et le domaine public communal. La remise en cause d’une convention d’occupation du domaine public ressort de !a compétence des juridictions de l’ordre administratif, par application de l’article L.2331-1 du Code général de propriété des personnes publique". Peu importe, dans ces conditions, que l’opérateur de téléphonie soit une société privée et que le service de téléphonie ne soit pas un service public.

Cour d’appel d’Angers, 24 février 2010, N° : 09/00645


 Les juridictions judiciaires sont-elles compétentes pour connaître de la demande d’interdiction d’installation d’antennes téléphoniques sur un terrain privé ?

Oui dès lors "que la mesure réclamée par une personne privée (l’objet même du référé) à l’encontre d’une personne privée a pour but de faire cesser un trouble anormal du voisinage" et ne peut "avoir pour but ou pour effet de contrarier les prescriptions de l’administration".

Cour d’appel de Paris 24 février 2010


Fonction publique

 L’administration peut-elle refuser à un fonctionnaire déclaré inapte le bénéfice d’une rente viagère d’invalidité dès lors que celui-ci a refusé une affectation dans un autre emploi de son grade compatible avec son état de santé ?

Oui mais encore faut-il que la proposition de nouvelle affectation soit "précise et compatible, dans toute la mesure du possible, avec la situation personnelle de l’intéressé, notamment du point de vue géographique".

Conseil d’État, 17 mars 2010, N° 309496


 Un fonctionnaire territorial peut-il être licencié pour inaptitude professionnelle dans le cadre de missions qui lui ont été confiées ne correspondant pas à son cadre d’emploi ?

Non. Une collectivité ne peut licencier un agent en se fondant essentiellement sur son inaptitude à accomplir des missions, qui ne correspondaient pas à celles qui peuvent être confiées aux agents de son cadre d’emploi [2]. Peu importe que l’agent soit titulaire de diplômes universitaires correspondant aux missions qui lui ont été confiées.

Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, 9 mars 2010, N° 09BX01095


Hygiène et sécurité au travail

 L’employeur peut-il être déclaré pénalement responsable d’un accident survenu à un salarié au volant d’un véhicule de service dont les freins sont défectueux ?

Oui. Se rend coupable d’homicide involontaire, le chef d’entreprise qui n’a pas fait vérifier périodiquement le véhicule qui présentait de nombreuses défectuosités, notamment de freinage, et qui a laissé ses salariés conduire cet engin en dehors de toute règle de sécurité et sans formation adéquate. Appliquée en l’espèce à un chef d’entreprise pour un salarié victime d’un accident au volant d’un engin de chantier, la solution serait identique pour un accident survenu à un fonctionnaire territorial ou un salarié d’association victime d’un accident au volant d’un véhicule de service mal entretenu.

Cour de cassation, chambre criminelle, 2 février 2010, N° 09-81172


Marchés publics, contrats et délégations de service public (DSP)

 Le cocontractant de l’administration dont le contrat est entaché de nullité ou annulé peut-il prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement des dépenses qui ont été utiles à la collectivité ?

Oui. "Dans le cas où le contrat en cause est une concession de service public, il peut notamment, à ce titre, demander à être indemnisé de la valeur non amortie, à la date à laquelle les biens nécessaires à l’exploitation du service font retour à l’administration, des dépenses d’investissement qu’il a consenties, ainsi que du déficit qu’il a, le cas échéant, supporté à raison de cette exploitation, compte tenu notamment des dotations aux amortissements, pour autant toutefois qu’il soit établi que ce déficit était effectivement nécessaire, dans le cadre d’une gestion normale, à la bonne exécution du service". En outre "dans le cas où la nullité du contrat résulte d’une faute de l’administration, le cocontractant de celle-ci peut (...), sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l’administration". A ce titre "il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l’exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé par sa nullité, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l’indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l’exécution du contrat lui aurait procurée".

Conseil d’État, 17 mars 2010, N° 316721


Ouvrages publics

 Un bien détenu par une personne privée peut-il être qualifié d’ouvrage public ?

Oui. "La qualification d’ouvrage public peut être déterminée par la loi. Présentent aussi le caractère d’ouvrage public, notamment les biens immeubles résultant d’un aménagement, qui sont directement affectés à un service public, y compris s’ils appartiennent à une personne privée chargée de l’exécution de ce service public".

Conseil d’Etat, Avis n° 323179 du 29 avril 2010, NOR : CETX1012136V


Pouvoirs de police

 Le maire peut-il faire usage de ses pouvoirs de police relatifs aux immeubles menaçant ruine lorsque le danger provoqué par l’immeuble ne provient que pour partie de causes qui lui sont propres ?

Oui dès lors que le danger provoqué par un immeuble provient à titre prépondérant de causes qui lui sont propres. Tel est le cas lorsque le danger trouve essentiellement sa source dans des travaux effectués sur l’immeuble dans des conditions non conformes aux règles de l’art. Peu importe que le danger trouve aussi sa source dans des causes extérieures (en l’espèce la poussée d’un talus) dès lors que l’état de péril aurait été évité, malgré la poussée du talus, si les travaux avaient été effectués selon les règles de l’art.

Conseil d’État, 19 mars 2010, N° 308966


Protection fonctionnelle

 L’assureur ayant indemnisé un agent victime d’une attaque peut-il se retourner contre l’administration redevable de la protection fonctionnelle ?

Non. Les dispositions relatives à la protection fonctionnelle en vertu desquelles l’administration est tenue de protéger les agents contre les menaces et les attaques dont ils peuvent être l’objet à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté, sont relatives à un droit statutaire à protection qui découle des liens particuliers qui unissent l’administration à ses agents, et n’ont pas pour objet d’instituer un régime de responsabilité de la collectivité à l’égard du fonctionnaire. Une telle garantie, qui ouvre droit au fonctionnaire à une réparation du préjudice subi, dont il incombe à l’administration de définir, sous le contrôle du juge, les modalités adéquates, n’a pas vocation à se substituer à celles offertes par les assureurs moyennant paiement d’une cotisation notamment au titre des assurances obligatoires. Sa mise en œuvre ne peut être demandée que par le fonctionnaire lui-même, dans le cadre de sa relation statutaire avec l’administration. Il en résulte que ce régime de protection n’est pas au nombre de ceux susceptibles de permettre à l’assureur des personnes ou des biens éventuellement atteints dans le cadre d’un sinistre de cette nature d’être subrogé dans les droits et actions du fonctionnaire sur le fondement de l’article L. 121-12 du code des assurances.

Conseil d’Etat, 7 mai 2010, N° 304376

[1Photo : © treenabeena

[2En l’espèce à celles d’un agent de maîtrise territorial telles qu’elles sont prévues à l’article 2 du décret du 6 mai 1988.