En prélude à la journée d’étude de l’observatoire du 25 juin 2010 retrouvez le point de vue de Me Levent Saban [1] sur la nécessité d’une réforme du délit de prise illégale d’intérêts.
[2]
Ajouter le terme « sciemment » reviendrait à marquer, pour le législateur, l’idée d’une exigence renforcée dans la caractérisation de la volonté coupable chez l’élu de prendre, recevoir ou conserver un intérêt illégal.
La jurisprudence retient d’ailleurs déjà la formule :
« que l’intention coupable du délit est caractérisée par le seul fait que l’auteur ait accompli sciemment l’acte constituant l’élément matériel de l’infraction sans qu’il soit nécessaire de démontrer que ce dernier ait agi dans une intention frauduleuse »
Crim. 17 décembre 2008, N°08-82318 (motifs de la Cour d’Appel de Lyon approuvés)
« Attendu que, pour les déclarer coupables de prise illégale d’intérêts, l’arrêt énonce, notamment, que les prévenus, élus municipaux, détenant un mandat électif et des fonctions de président d’associations, sont soumis à l’obligation de veiller à la parfaite neutralité des décisions d’attribution des subventions à ces associations ; que les juges ajoutent que l’infraction est constituée même s’il n’en résulte ni profit pour les auteurs ni préjudice pour la collectivité et retiennent que le dol général caractérisant l’élément moral du délit résulte de ce que l’acte a été accompli sciemment ;Attendu qu’en l’état de ces énonciations, dépourvues d’insuffisance comme de contradiction, la cour d’appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit dont elle a déclaré les prévenus coupables, a justifié sa décision »
Crim. 22 octobre 2008, N°08-82068 (« Ville de Bagneux)
« Attendu qu’en l’état de ces énonciations, et dès lors que la juridiction correctionnelle est saisie de l’ensemble des faits visés dans l’ordonnance de renvoi, la cour d’appel, qui n’avait pas à caractériser l’existence d’un acte constitutif de prise illégale d’intérêts le jour de la conclusion dudit bail, les faits visés dans l’ordonnance de renvoi étant nécessairement antérieurs à cette date, a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit de prise illégale d’intérêts, dont elle a déclaré le prévenu coupable ;Qu’en effet, d’une part, le délit de prise illégale d’intérêts est consommé dès que le prévenu a pris directement ou indirectement un intérêt dans une opération ou une entreprise dont il avait, au moment de l’acte, la charge d’assurer la liquidation ou le paiement, celles-ci se réduiraient-elles à de simples pouvoirs de préparation de décisions prises par d’autres ;Que, d’autre part, l’élément intentionnel du délit est caractérisé par le seul fait que l’auteur a accompli sciemment l’acte constituant l’élément matériel du délit »
Si la jurisprudence a déjà retenu la notion d’acte commis « sciemment », l’ajout aujourd’hui par le législateur de ce terme aurait un sens symbolique… (ce ne sera pas un effort d’investigation imposé au Juge, mais un simple effort de plume…).
Toutefois, il ne faut pas renoncer à ces messages forts (et aux symboles qui sont là pour les véhiculer) : il appartiendra aux auxiliaires de justice de donner corps à ces messages pour les faire vivre dans les tribunaux.
--------------
Sommaire
– A titre préliminaire, rappel du contenu de l’arrêt du 22/10/08 (Ch.Crim., Ccass)
I – Réformer (préciser) la notion d’intérêt « quelconque »
2° - Mettre en concordance jurisprudence administrative et judiciaire
3°- Mettre fin à la situation de « blocage » des collectivités
II – Renforcer l’élément intentionnel en ajoutant « sciemment » ?