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I – Réformer (préciser) la notion d’intérêt « {quelconque} »

3°- Mettre fin à la situation de « blocage » des collectivités

En prélude à la journée d’étude de l’observatoire du 25 juin 2010 retrouvez le point de vue de Me Levent Saban [1] sur la nécessité d’une réforme du délit de prise illégale d’intérêts.


 [2]

Il s’agit ici de l’élément déterminant qui doit motiver à lui seul la modification du texte.

En effet, contrairement aux idées reçues, l’attendu de principe de l’arrêt de la Cour de Cassation ne restreint aucunement la portée de cette décision au seul secteur associatif (cas d’espèce de l’arrêt).

Il s’applique bien évidemment aux relations Collectivités / Etablissements Publics (EPA ou EPIC).

Notre expérience judiciaire vient nous le démontrer d’ailleurs :

  en défense pénale d’une part : pour des conseillers généraux pour leur participation à des décisions (au sein de l’institution départementale) intéressant la Régie départementale des transports dont ils sont par ailleurs administrateurs désigné ;

  en conseil : sollicitations de la part de responsables d’affaires juridiques de collectivités demandant s’il est toujours possible, après l’arrêt du 22 octobre 2008 de la Cour de Cassation, de laisser les élus participer à des délibérations dans lesquels ils ont un intérêt « politique » : un conseiller général, pour une délibération à la Commission Permanente du Conseil Général qui porte sur la Commune dont il est maire par ailleurs ; un délégué communautaire au sein du Conseil Communautaire pour une délibération intéressant sa Commune de rattachement…

Ce dernier exemple commande à notre avis à lui seul la modification de la loi sans délai : rien n’empêche un juge d’instruction de mettre en examen (ou à un Tribunal de condamner) un délégué communautaire pour avoir participé au vote, ou même simplement aux débats préalables (ou à tout autre acte préparatoire amont), d’une délibération qui intéresse sa collectivité de rattachement. L’élu d’un EPCI (Etablissement Public de Coopération Intercommunale) prend incontestablement un intérêt « quelconque » dans la délibération, et les débats qui la précèdent, lorsque cette délibération porte sur sa collectivité de rattachement.

La mise en conformité des pratiques institutionnelles avec la lettre de l’article 432-12 du Code pénal (telle que rappelé par l’arrêt du 22 octobre 2008) reviendrait à interdire à un élu communautaire de prendre part à toute délibération et acte préparatoire qui concerneraient sa commune. En d’autres termes, cela reviendrait pour l’élu à mettre le sort de sa Commune de rattachement entièrement aux mains des autres élus des autres Communes membres de l’EPCI !

L’élu doit aujourd’hui s’abstenir de participer à tout débat concernant sa Commune de rattachement (sortir de la salle, avec mention au compte-rendu des débats de sa sortie avant que ne soit évoqué le cas de sa Commune) ! C’est ici la mise à néant de l’intercommunalité en son entier !

Le Président d’une Communauté d’Agglomération ou d’une Communauté Urbaine, par ailleurs Maire de la Ville centre (et les exemples sont nombreux…) devrait s’interdire de participer au débats et vote concernant la Commune dont il est élu, sous peine de commettre le délit de prise illégale d’intérêts !!

Essayer de dissuader cet élu de participer à un tel vote… Impossible, et c’est compréhensible, c’est « inaudible » politiquement, et le juriste de la Collectivité qui serait à l’origine d’une telle note de recommandation se ferait à l’évidence très mal recevoir…

Essayer d’expliquer à un juge d’instruction (comme cela a été notre cas très récemment) qu’il n’y a pas ici de délit, car l’intérêt pris par l’élu n’est pas « personnel », et reste conforme à l’intérêt général poursuivi par l’élu au titre de son mandat de délégué communautaire… Impossible (aussi), et là encore, c’est compréhensible, la lettre du texte étant tellement large (l’intérêt « quelconque », n’est pas l’intérêt « personnel »), et l’arrêt du 22 octobre 2008 venant appuyer cette position. Bien sûr, l’élu ne sera probablement pas sanctionné d’une peine lourde, mais seulement de « principe » (amende assortie du sursis en totalité ou partiellement), ceci pour rappeler que la justice est indépendante du pouvoir législatif, et qu’il appartient au législateur précisément de restreindre le champ d’application d’un délit qu’il n’a pas maitrisé dans son étendue au moment de sa définition.

C’est précisément l’invitation qui vous est faite de revenir sur cette rédaction qui insécurise aujourd’hui considérablement le fonctionnement des institutions territoriales et intercommunales.


Sommaire

 A titre préliminaire, rappel du contenu de l’arrêt du 22/10/08 (Ch.Crim., Ccass)


I – Réformer (préciser) la notion d’intérêt « quelconque »

1°- La notion d’intérêt « quelconque » : aucune délimitation précise ni par le texte ni par la jurisprudence

2° - Mettre en concordance jurisprudence administrative et judiciaire

3°- Mettre fin à la situation de « blocage » des collectivités

4°- La proposition de loi, si elle est retenue dans sa rédaction proposée, continuera d’intégrer dans son champ toutes les « manquements au devoir de probité » des élus


II – Renforcer l’élément intentionnel en ajoutant « sciemment » ?


III – Réformer la notion de « surveillance » de l’opération

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[1Me Levent SABAN, avocat spécialisé dans la défense pénale des élus, a été auditionné le 31 mars 2010 par Madame Anne-Marie ESCOFFIER, sénateur désigné rapporteur pour la Commission des Lois sur la proposition de loi n°268 déposée au Sénat par Bernard SAUGEY

[2Photo : © ArtmannWitte