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La jurisprudence de la semaine

Semaine du 29 mars au 2 avril 2010

Retrouvez une sélection de décisions de justice intéressant les collectivités locales et les associations (dernière mise à jour le 28/07/2010).


 [1]

Jurisprudence européenne

 L’administration peut-elle, au nom de la préservation du littoral, enjoindre à des résidents de détruire, sans indemnisation, une maison appartenant à leur famille depuis 1945 et située sur une parcelle du domaine public ?

Oui. L’impératif de protection du littoral justifie que des occupants d’une maison construite sur le domaine public maritime soient condamnés à détruire, sans indemnisation, leur construction. Peu importe que par le jeu des renouvellements successifs, l’occupation du domaine public ait été autorisée pendant près d’un siècle. Peu importe également que l’Etat ait fermé les yeux sur la construction d’une maison sur un terre-plein destiné initialement à y recevoir une simple rampe d’accès à une embarcation et que les occupants aient dû acquitter les taxes foncières et d’habitation. En effet, "compte tenu de l’attrait des côtes et des convoitises qu’elles suscitent, la recherche d’une urbanisation contrôlée et du libre accès de tous aux côtes implique une politique plus ferme de gestion de cette partie du territoire. Cela vaut pour l’ensemble des zones littorales européennes".

Cour européenne des droits de l’homme, 29 mars 2010 n°34078/02


Jurisprudence judiciaire

 La responsabilité d’un service public industriel et commercial (SPIC) peut-elle être recherchée devant les juridictions judiciaires en l’absence de faute personnelle détachable ?

Oui. Les liens unissant un tel service à ses usagers sont des liens de droit privé. La juridiction de l’ordre judiciaire est seule compétente pour connaître du litige [2].

Cour de cassation, chambre civile 1, 31 mars 2010, N° 09-10560


 Un camping municipal est-il nécessairement un service public industriel et commercial (SPIC) ?

Non. "Un camping municipal, créé dans l’intérêt général, constitue un service public administratif et n’a de caractère industriel et commercial que dans les cas où les modalités particulières de sa gestion impliquent que la commune a entendu lui donner ce caractère". C’est "à la partie qui se prévaut du caractère industriel et commercial d’un service public d’établir ses modalités de fonctionnement et de financement, au besoin après avoir demandé qu’il soit fait injonction à la personne publique de produire les pièces nécessaires".

Cour de cassation, chambre civile 1, 31 mars 2010, N° de pourvoi : 09-12821


Justice administrative

 Un maire peut-il faire euthanasier immédiatement des chiens qui ont mordu grièvement des habitants de la commune ?

Uniquement en vue de parer un danger grave et immédiat

Tel n’est pas le cas si les chiens nécessitent simplement des modalités de garde particulières qu’il appartient au maire de prescrire à la suite de l’accident. En l’espèce, selon les juges, il ressort de l’avis du vétérinaire désigné, que les deux chiens ne présentaient ni par eux-mêmes ni par aucune autre circonstance de l’affaire le caractère d’un danger grave et immédiat justifiant leur euthanasie sans condition ni délai.

Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, 30 mars 2010, N° 09BX00439


 Une commune doit-elle respecter la procédure de l’article 53 de la loi du 26 janvier 1984 en cas de non-renouvellement du détachement au terme normal de celui-ci ?

Oui « les dispositions du dernier alinéa de l’article 53 de la loi du 26 janvier 1984 relatives aux garanties procédurales sont applicables lorsqu’il est mis fin aux fonctions d’un fonctionnaire territorial détaché sur un emploi fonctionnel mentionné au deuxième alinéa de cet article, dans sa collectivité d’origine ou dans une autre collectivité, y compris dans l’hypothèse d’un non-renouvellement du détachement au terme normal de celui-ci ».

Conseil d’État, 31 mars 2010, N° 306978


 L’illégalité d’un PLU entraîne-t-elle automatiquement l’annulation des permis de construire délivrés sur ses bases ?

Non. "L’illégalité du document d’urbanisme sous l’empire duquel un permis de construire a été délivré n’a pas par elle-même pour effet d’entraîner l’illégalité de ce permis, ce dernier ne constituant pas un acte d’application de cette réglementation".

Conseil d’État, 31 mars 2010, N° 313762


 Le préfet peut-il ordonner des battues contre des animaux qui ne sont pas classés comme nuisibles ?

Oui. "La liste établie par le préfet en application de l’article R. 427-6 du code de l’environnement sur le fondement d’une liste établie par le ministre chargé de la chasse détermine seulement les espèces d’animaux nuisibles que certains particuliers peuvent détruire sur leurs terres et n’a pas pour objet de limiter le pouvoir du préfet d’ordonner des battues administratives contre des animaux qui, dans des circonstances de lieu et de temps particulières, sont qualifiés par lui de nuisibles’. Ainsi la circonstance que le blaireau ne figure pas sur cette liste est sans incidence sur la légalité de l’arrêté préfectoral autorisant des battues administratives au blaireau sur le fondement de l’article L. 427-6 du code de l’environnement.

Conseil d’État, 31 mars 2010, N° 316563


 Un EPCI qui confie par contrat à un tiers l’exploitation d’une installation classée (ex : usine d’incinération) perd-il de facto la qualité d’exploitant ?

Non. L’existence d’un contrat confiant à un tiers l’exploitation d’une installation classée est, en l’absence d’autorisation de changement d’exploitant [3], sans influence sur la qualification d’exploitant.

Ainsi, en l’espèce, l’EPCI avait toujours la qualité d’exploitant qu’il avait reçue par autorisation préfectorale. Il ne peut donc pas s’exonérer de ses responsabilités en matière de remise en état du site de l’ancienne usine d’incinération d’ordures ménagères.

Conseil d’État, 29 mars 2010, N° 318886


 Faut-il informer les candidats de la méthode de notation des offres ?

Non. "Si, pour assurer le respect des principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, le pouvoir adjudicateur a l’obligation d’indiquer dans les documents de consultation les critères d’attribution du marché et leurs conditions de mise en œuvre, il n’est en revanche pas tenu d’informer les candidats de la méthode de notation des offres".

Conseil d’État, 31 mars 2010, N° 334279


 L’obligation de notification des recours prévue à l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme s’applique-t-elle aux certificats d’urbanisme négatifs ?

Non. Les certificats d’urbanisme négatifs ne confèrent aucun droit à leur titulaire et n’entrent donc pas dans le champ d’application de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme. "En revanche, l’objectif de sécurité juridique doit bénéficier à l’auteur de la décision et au titulaire du certificat d’urbanisme et justifie que l’auteur de la décision et, s’il y a lieu, le titulaire du certificat soient informés dans tous les cas par la procédure prévue à l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme de l’existence d’un recours contentieux contre les autres certificats d’urbanisme".

Conseil d’Etat, Avis n° 334113 du 1er avril 2010, NOR : CETX1010654V


 La victime d’un accident peut-elle exercer une action directe contre l’assureur de la collectivité responsable devant les juridictions judiciaires ?

Non. En effet « un contrat d’assurance passé par une des personnes morales de droit public soumises aux dispositions du code des marchés publics en application de son article 2, notamment par une collectivité territoriale, présente le caractère d’un contrat administratif ».

Les litiges doivent être portés devant la juridiction administrative.

Y compris lorsque la victime d’un dommage exerce l’action directe ouverte par l’article L. 124-3 du code des assurances contre l’assureur de l’acheteur public responsable. En effet l’action directe de la victime poursuit l’exécution de l’obligation de réparer qui pèse sur l’assureur en vertu du contrat d’assurance et relève par suite, comme l’action en garantie exercée, le cas échéant, par l’auteur du dommage contre son assureur, de la compétence de la juridiction administrative.

Conseil d’État, 31 mars 2010, N° 333627

[1Photo : © treenabeena

[2La Cour d’appel avait invité la victime d’un accident sur une piste de ski à saisir les juridictions administratives estimant qu’un SPIC a la qualité d’agent chargé d’une mission de service public de sorte que, pour relever de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire, le fait fautif de l’agent doit être qualifié de faute détachable de la fonction, et que l’omission involontaire, sur le lieu où l’accident s’est produit, d’une protection faisant obstacle au franchissement du talus et pour le moins d’une signalisation avertissant les usagers d’un risque inhérent à la configuration des lieux ne peut être assimilée à une telle faute.

[3prévue à l’article 23-2 du décret du 21 septembre 1977