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La jurisprudence de la semaine

Semaine du 8 au 12 mars 2010

Retrouvez une sélection de décisions de justice intéressant les collectivités locales et les associations (dernière mise à jour le 28/07/2010).


 [1]

Jurisprudence européenne

 Pollution diffuse : le droit communautaire s’oppose-t-il à ce qu’une réglementation nationale présume l’existence d’un lien de causalité du fait de la proximité d’une installation ?

Non. "La directive 2004/35 ne s’oppose pas à une réglementation nationale permettant à l’autorité compétente, agissant dans le cadre de cette directive, de présumer l’existence d’un lien de causalité, y compris dans le cas de pollutions à caractère diffus, entre des exploitants et une pollution constatée, et ce en raison de la proximité de leurs installations avec la zone de pollution. Cependant, conformément au principe du pollueur-payeur, aux fins de présumer de la sorte un tel lien de causalité, cette autorité doit disposer d’indices plausibles susceptibles de fonder sa présomption, tels que la proximité de l’installation de l’exploitant avec la pollution constatée et la correspondance entre les substances polluantes retrouvées et les composants utilisés par ledit exploitant dans le cadre de ses activités".

Cour de Justice de l’Union Européenne, 9 mars 2010, Affaire C-378/08


Jurisprudence judiciaire

 Un supérieur hiérarchique peut-il être victime de harcèlement moral de la part d’un subordonné ?

En principe oui. Le texte d’incrimination est suffisamment large pour englober cette hypothèse. En pratique, il est néanmoins plus difficile d’établir que les agissements ont eu pour objet ou pour effet de porter atteinte au droit et à la dignité de la victime ou de compromettre son avenir professionnel. Ainsi la Cour d’appel de Poitiers relaxe un fonctionnaire poursuivi pour harcèlement moral à la suite du suicide de son supérieur hiérarchique, responsable d’un service d’action sociale dépendant d’un conseil général. La Cour, infirmant le jugement de condamnation rendu en première instance, relève notamment que la victime a toujours été très bien notée et que le fait d’adresser à son supérieur un courriel obscène ou de venir en short au travail ne sont pas suffisants pour porter atteinte à la dignité de la victime et caractériser des agissements de harcèlement moral

Cour d’appel de Poitiers, 11 mars 2010


Jurisprudence administrative

 Le propriétaire d’une parcelle située dans une zone concernée par l’annulation en justice d’un plan d’occupation des sols (POS) peut-il, en cette seule qualité, former tierce opposition à la décision de justice ?

Non. "Le propriétaire de parcelles situées dans les zones concernées par l’annulation pour excès de pouvoir des dispositions d’un plan d’occupation des sols ou d’un plan local de l’urbanisme ne justifie pas, en cette seule qualité, d’un droit auquel cette décision aurait préjudicié, le rendant recevable à former tierce opposition à cette décision [2]".

Conseil d’État, 8 mars 2010, N° 303742


 Une collectivité bénéficiaire d’un permis de construire doit-elle être informée de l’exercice d’un pourvoi en cassation alors même qu’elle n’a pas présenté d’observations devant les juges d’appel ?

Oui. L’obligation de notification des recours contre les décisions d’urbanisme "s’impose également à l’auteur d’un pourvoi en cassation dirigé contre une décision juridictionnelle rejetant des conclusions aux fins d’annulation d’une décision entrant dans le champ d’application de l’article R. 600-1, y compris à l’égard d’un destinataire de la notification qui aurait précédemment renoncé à produire devant les juges du fond".

Conseil d’État, 8 mars 2010, N° 322888


 Immeubles menaçant ruine : le juge des référés peut-il enjoindre à une commune de réaliser des travaux en cas de défaillance du propriétaire ?

Oui "le juge des référés peut, en l’absence de contestation sérieuse, enjoindre à une commune de prendre les mesures conservatoires de nature à faire cesser un dommage grave et immédiat imputable à la carence du maire dans l’exercice des pouvoirs de police qui lui sont conférés par le code de la construction et de l’habitation pour faire cesser le péril résultant d’un bâtiment menaçant ruine".

Conseil d’État, 8 mars 2010, N° 331115


 Un fonctionnaire qui porte plainte pour harcèlement moral contre des collègues peut-il obtenir, au titre de la protection fonctionnelle, une provision ?

Difficilement. En effet pour que le juge des référés puisse, sur le fondement de l’article R541-1 du code de justice administrative, accorder une provision au créancier, encore faut-il que l’existence de l’obligation ne soit pas sérieusement contestable. Or les accusations de harcèlement moral sont le plus souvent contestables et contestées tant il est difficile de démêler le vrai du faux. Ainsi doit être rejetée la demande de provision d’une agent, au titre de la protection fonctionnelle, dès lors que l’obligation de protection fonctionnelle dont elle se prévaut ne présente pas, en l’absence de tout témoignage et des pièces du dossier établissant des faits de harcèlement moral, le caractère d’une obligation non sérieusement contestable.

Conseil d’État, 8 mars 2010, N° 335543


 Un fonctionnaire territorial peut-il être licencié pour inaptitude professionnelle dans le cadre de missions qui lui ont été confiées ne correspondant pas à son cadre d’emploi ?

Non. Une collectivité ne peut licencier un agent en se fondant essentiellement sur son inaptitude à accomplir des missions, qui ne correspondaient pas à celles qui peuvent être confiées aux agents de son cadre d’emploi [3]. Peu importe que l’agent soit titulaire de diplômes universitaires correspondant aux missions qui lui ont été confiées.

Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, 9 mars 2010, N° 09BX01095


 Une collectivité peut-elle être tenue d’accorder sa protection à un agent poursuivi pénalement pour détournement de fonds publics ?

Oui dès lors que les faits à l’origine des poursuites ne revêtent pas le caractère d’une faute personnelle. Ainsi en l’espèce les faits reprochés au fonctionnaire résultent de la volonté du maire de la commune, qui en a pris l’initiative et organisé les modalités (pour plus de précisions sur ce contentieux voir Collectivités locales et sportifs de haut niveau : un cocktail explosif ?).

Conseil d’État, 10 mars 2010, N° 321125


 Le propriétaire d’un bien ayant fait l’objet d’une tentative de préemption a-t-il droit d’être indemnisé ?

Oui si la décision de préemption est entachée d’illégalité et si les termes de la promesse de vente initiale font apparaître que la réalisation de cette vente était probable. « A l’issue d’une procédure de préemption qui n’a pas abouti, le propriétaire du bien en cause peut, si la décision de préemption est entachée d’illégalité, obtenir réparation du préjudice que lui a causé de façon directe et certaine cette illégalité (...) ».

Lorsque le propriétaire a cédé le bien après renonciation de la collectivité, son préjudice résulte dès lors que les termes de la promesse de vente initiale faisaient apparaître que la réalisation de cette vente était probable :

1° de la différence entre le prix figurant dans cet acte et la valeur vénale du bien à la date de la décision de renonciation ;

2° de l’impossibilité pour le vendeur de disposer du prix figurant dans la promesse de vente entre la date de cession prévue par cet acte et la date de vente effective (dès lors que cette dernière a eu lieu dans un délai raisonnable après la renonciation de la collectivité ; en revanche, lorsque la vente n’a pas eu lieu dans un tel délai, quelles qu’en soient les raisons, le terme à prendre en compte pour l’évaluation de ce second préjudice doit être fixé à la date de la décision de renonciation).

Conseil d’État, 10 mars 2010, N° 323543


 Un fonctionnaire victime d’agissements de harcèlement moral peut-il obtenir le bénéfice de la protection fonctionnelle ?

Oui. Des agissements répétés de harcèlement moral sont de ceux qui peuvent permettre, à l’agent public qui en est l’objet, d’obtenir la protection fonctionnelle prévue par les dispositions de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont les fonctionnaires et les agents publics non titulaires pourraient être victimes à l’occasion de leurs fonctions.

Conseil d’État, 12 mars 2010, N° 308974


 Les communes peuvent-elles modifier la clé de répartition entre les deux modes de financement (impôt et contribution par voie budgétaire) arrêtées par le comité syndical ?

Non. « Il appartient au seul comité syndical de décider, le cas échéant, de remplacer en totalité, ou pour une partie qu’il détermine seul, la contribution budgétaire des communes membres par le produit des impôts mentionnés au 1° du a de l’article L. 2331-3 du code général des collectivités territoriales » ;

« si, dans une telle hypothèse, les communes intéressées conservent la faculté de refuser, dans le délai qui leur est imparti, la mise en recouvrement de l’impôt et de financer par suite à due concurrence leur contribution par voie budgétaire, elles ne sauraient modifier la clé de répartition entre les deux modes de financement arrêtée par le comité syndical ».

Ainsi un conseil municipal ne peut légalement décider de financer sa quote-part pour partie par l’impôt et pour partie par des crédits budgétaires dès lors que le comité syndical s’était prononcé en faveur du remplacement de la totalité de la contribution des communes membres par l’impôt.

Conseil d’État, 12 mars 2010, N° 309720


 L’altération du discernement d’un fonctionnaire en raison de la conjugaison de la prise d’anti-dépresseur et d’alcool s’oppose-t-elle à ce que l’administration puisse prendre une sanction de radiation des cadres ?

Non. Ces circonstances, à les supposer établies, ne sont pas de nature à faire obstacle à ce que le fonctionnaire soit regardé comme responsable de ses actes [4] et à ce qu’une sanction de radiation des cadres soit prise.

Conseil d’État, 12 mars 2010, N° 316969


 Peut-on sanctionner un fonctionnaire qui effectue durant une période de vacances une activité faiblement rémunérée ?

Oui. En effet si « le seul exercice par un fonctionnaire, durant une période de vacances, d’une activité faiblement rémunérée ne constitue pas en lui-même un manquement à l’honneur et à la probité », il reste que cela ne doit pas devenir une habitude. Est ainsi validée la mise à la retraite d’office d’un fonctionnaire (de la police nationale) qui a exercé à deux reprises, pendant des périodes de congés, des activités privées rémunérées d’une part comme travailleur saisonnier dans une entreprise agricole et, d’autre part, comme chauffeur routier dans une entreprise de transport

Conseil d’État, 12 mars 2010, N° 317639


 1° La compétence en matière d’assurances dévolue à la Polynésie française par la loi organique du 27 février 2004 est-elle effective à défaut de l’évaluation des charges financières préalables au transfert de compétences en matière d’assurances et en l’absence concomitante de convention signée entre l’Etat et le territoire ? 2° Dans l’affirmative, en l’absence de réglementation polynésienne, les dispositions du code des assurances de métropole sont-elles applicables sur le territoire de la Polynésie française et, dans ce cas, quelle est l’autorité compétente pour délivrer l’agrément prévu pour l’exercice d’une activité d’assurances ?

1° "S’il appartient à la Polynésie française de demander à l’Etat de lui verser, en application de ces dispositions, la compensation des charges correspondant à l’exercice des compétences transférées, cette compensation ne saurait, en l’absence de toute disposition à cet effet, conditionner l’entrée en vigueur de la répartition des compétences.
En l’espèce, la réglementation des activités d’assurance n’étant pas au nombre des matières réservées à l’Etat par les dispositions de l’article 14 de la loi organique, la compétence pour décider en cette matière appartient aux autorités de la Polynésie française
".

2° "Dès lors qu’aucune autre disposition de la loi organique ou de la Polynésie française n’attribue à une autre autorité de la Polynésie française compétence pour prendre cette décision, il y a lieu de considérer que les agréments, sous réserve de modifications ultérieures qui en disposeraient autrement, sont délivrés par le président de la Polynésie française".

Avis du Conseil d’Etat n° 333820 du 12 mars 2010 NOR : CETX1007444V


[1Photo : © Gary Blakeley

[2Aux termes de l’article R. 832-1 du code de justice administrative : Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu’elle représente n’ont été présents ou régulièrement appelés dans l’instance ayant abouti à cette décision

[3En l’espèce à celles d’un agent de maîtrise territorial telles qu’elles sont prévues à l’article 2 du décret du 6 mai 1988.

[4En l’espèce, des attouchements sexuels.