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La jurisprudence de la semaine

Semaine du 4 au 8 janvier 2010

Retrouvez une sélection de décisions de justice intéressant les collectivités locales et les associations (dernière mise à jour le 19/04/2010).


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Jurisprudence judiciaire

 Des insinuations peuvent-elles être constitutives de diffamation ?

Oui. "L’allégation ou l’imputation d’un fait déterminé portant atteinte à l’honneur et à la considération d’une personne entre dans les prévisions de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881, même si elle est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d’insinuation". Une Cour d’appel ne peut ainsi relaxer un prévenu alors que les propos propos incriminés imputaient notamment au plaignant (maire d’une commune de 600 habitants) le fait d’avoir obtenu pour des travaux personnels des "tarifs préférentiels" d’une entreprise œuvrant pour la mairie, et celui d’avoir détourné des matériaux appartenant à la collectivité publique, faits portant atteinte à l’honneur et à la considération de la partie civile.

Cour de cassation, chambre criminelle, 5 janvier 2010, N° 09-84328


 Un automobiliste verbalisé pour infractions aux règles de stationnement peut-il refuser de payer l’amende en invoquant l’absence de motivation de l’arrêté du maire réglementant le stationnement ?

Oui. Un contrevenant peut soulever l’exception d’illégalité de l’arrêté municipal servant de base aux poursuites, prise du défaut de motivation de celui-ci et échapper ainsi au paiement de l’amende.

Cour de cassation, chambre criminelle, 6 janvier 2010, N° 09-84503


Jurisprudence administrative

 Une administration peut-elle sanctionner disciplinairement un agent poursuivi pénalement sans attendre l’issue du procès ?

Oui. "Aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à ce que l’administration puisse mener à bien la procédure disciplinaire alors même qu’une procédure pénale est en cours".

Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, 5 janvier 2010, N° 09BX00304


 Un refus de titularisation peut-il ouvrir droit à indemnisation ?

Oui dès lors, d’une part, que les dysfonctionnements et insuffisances reprochés par le maire à l’agent (en l’espèce le directeur général des services - DGS) ne sont étayées par aucun fait ni aucune pièce précise et que, d’autre part ce refus a eu des répercussions sur le plan personnel compte-tenu des termes employés par le maire et des différents courriers tendant à discréditer l’agent à la fois vis-à-vis des élus, du personnel de la commune et des tiers. En l’espèce le DGS se voit attribuer 22 000 euros en réparation des troubles dans les conditions d’existence à raison du refus de titularisation.

Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, 5 janvier 2010, N° 09BX01887


 Un fonctionnaire qui a démissionné après avoir été sanctionné disciplinairement peut-il prétendre que sa démission a été obtenue sous la contrainte ?

Non dès lors que les sanctions prises (en l’espèce exclusion temporaire avec retenue de traitement prononcée à la suite de refus itératifs de se soumettre à des contre-visites médicales) constituent des mesures que l’autorité hiérarchique pouvait légalement prendre à son encontre compte tenu de son comportement.

Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, 5 janvier 2010, N° 09BX01045


- L’acheteur public doit-il préciser les critères qu’il entend mettre en œuvre pour pour sélectionner l’entreprise attributaire du marché pour chaque lot considéré ?

Oui. Est ainsi irrégulière une procédure d’attribution pour laquelle "ni l’avis d’appel à la concurrence, ni le règlement de consultation des entreprises ne mentionnaient les critères que le pouvoir adjudicateur entendait mettre en œuvre pour sélectionner l’entreprise attributaire du marché pour chaque lot considéré. En effet "si la communauté de communes (...) soutient que le procès-verbal de la commission d’appel d’offres mentionnait les critères de la valeur technique, du prix et de la garantie professionnelle, ces critères, qui au demeurant n’étaient ni pondérés, ni hiérarchisés, n’avaient pas été portés à la connaissance des entreprises soumissionnaires préalablement à la décision de la commission d’appel d’offres".

Cour administrative d’appel de Lyon, 7 janvier 2010, N° 08LY00248


 Pour quels postes de préjudice, une collectivité est-elle tenue d’indemniser les candidats évincés irrégulièrement ?

C’est variable selon les chances de l’entreprise de remporter le marché :

1° Le candidat évincé n’a droit a aucune indemnité s’il était dépourvu de toute chance de remporter le marché.

2° Le candidat évincé irrégulièrement a droit au remboursement des frais engagés pour présenter son offre s’il n’était pas dépourvu de toute chance de remporter le marché.

3° Le candidat évincé a droit d’être indemnisé de son manque à gagner s’il avait de sérieuses chances d’emporter le marché [2]. "Dans une telle hypothèse, ce sont les critères que la personne publique adjudicatrice a entendu mettre en œuvre, à condition qu’ils soient légaux, qui doivent être retenus pour apprécier l’existence d’une chance sérieuse pour l’entreprise évincée de remporter le marché".

Cour administrative d’appel de Lyon, 7 janvier 2010, N° 08LY00248


 Le maintien en surnombre d’un directeur malgré l’existence d’emplois vacants disponibles correspondant à son grade peut-il être constitutif de harcèlement moral ?

Oui. Aux termes de l’article 67 de la loi du 26 janvier 1984 : «  (...) A l’expiration d’un détachement de longue durée, un fonctionnaire est réintégré dans son corps ou cadre d’emplois et réaffecté à la première vacance ou création d’emploi dans un emploi correspondant à son grade relevant de sa collectivité ou de son établissement d’origine. (..). Le fonctionnaire a priorité pour être affecté dans un emploi correspondant à son grade de la collectivité ou de l’établissement d’origine (..)  ».

Commet une faute de gestion de carrière de nature à engager sa responsabilité la collectivité qui maintient en surnombre un fonctionnaire alors qu’il existe des emplois vacants correspondant au grade de l’intéressé. Cette faute de gestion peut s’inscrire dans le cadre d’agissements répétés constitutifs de harcèlement moral. Tel a été jugé le cas, en l’espèce, dès lors, qu’outre le maintien en surnombre malgré des emplois vacants disponibles, l’intéressé avait été contraint de demander son détachement dans une commune après avoir été évincé en fait du service dont il avait la responsabilité et, qu’à son retour, dans la collectivité, il s’est vu attribuer arbitrairement une note très défavorable qui a perturbé sa mobilité professionnelle.

Cour Administrative d’Appel de Nancy, 7 janvier 2010, N° 08NC00608


 L’annulation par le juge administratif de la mutation d’un fonctionnaire a-t-elle des effets rétroactifs sur les mesures susceptibles d’intervenir pour sa reconstitution de carrière ?

Oui. Eu égard au caractère nécessairement rétroactif des mesures susceptibles d’intervenir pour reconstituer la carrière d’un fonctionnaire dont la mutation a été annulée par le juge administratif, l’administration est tenue d’appliquer la législation et la réglementation en vigueur à la date à laquelle de telles mesures seraient appelées à prendre effet et après accomplissement des procédures alors prescrites par ces législation et réglementation".

Cour Administrative d’Appel de Nancy, 7 janvier 2010, N° 08NC01216


 Un cadre maintenu artificiellement en surnombre peut-il obtenir réparation d’une perte de chance d’avancement ?

Oui dès lors que sa collectivité « en ne le nommant pas sur un emploi conforme à son grade, l’a privé de la possibilité de démontrer sa valeur professionnelle ».

Cour Administrative d’Appel de Nancy, 7 janvier 2010, N° 08NC00608


Un rapport établi par une assistante sociale peut-il servir de preuve devant le juge administratif pour caractériser des agissements de harcèlement moral ?

Non : un document est dénué de toute force probante dès lors qu’il se contente de reprendre explicitement les propos du requérant.

Cour Administrative d’Appel de Nancy, 7 janvier 2010, N° 09NC00530


 La circonstance pour un fonctionnaire d’avoir fait l’objet de trois affectations successives à son retour de congé maladie est-elle de nature à caractériser des agissements de harcèlement moral ?

Non dès lors que ces affectations successives sont justifiées par la recherche d’un emploi adapté à l’état de santé de l’agent et en rapport avec les différentes prescriptions arrêtées par le médecin de prévention.

Cour Administrative d’Appel de Nancy, 7 janvier 2010, N° 09NC00530


 Un syndrome dépressif majeur d’un fonctionnaire placé en congé de longue maladie est-il suffisant pour caractériser la réalité d’un harcèlement moral ?

Non. Un syndrome dépressif majeur dont souffre un agent, désormais placé en congé de longue maladie, "ne saurait à lui seul établir la réalité du harcèlement moral dont il aurait été l’objet".

Cour Administrative d’Appel de Nancy, 7 janvier 2010, N° 09NC00530


 Un fonctionnaire peut-il faire l’objet d’une procédure d’abandon de poste s’il refuse de reprendre son travail après un congé maladie ordinaire alors qu’il produit un certificat médical de son psychiatre traitant indiquant qu’il n’était pas apte à reprendre son travail et que le maire n’a pas fait procéder à une contre-visite ?

Oui dès lors que le maire , s’appuyant sur les avis du comité médical départemental, qui concluaient à l’aptitude de l’agent à reprendre ses fonctions, au moins dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique, l’a mis en demeure de reprendre son poste sous peine d’être radié des cadres pour abandon de poste. L’agent ne peut se contenter, pour refuser d’obtempérer, de produire un certificat médical de son psychiatre traitant indiquant, sans plus de précisions, qu’il n’était pas apte à reprendre son travail. En effet un tel certificat n’est pas de nature à remettre en cause les appréciations concordantes sur l’aptitude médicale de l’intéressé à reprendre ses fonctions, portées par le comité médical départemental. Dans ces conditions, l’agent, qui ne justifie pas s’être trouvé dans l’impossibilité de reprendre son travail, doit être regardé comme ayant rompu le lien qui l’unissait à la commune. Le maire a ainsi pu légalement radier des cadres l’agent pour abandon de poste, et ce sans avoir à faire procéder à une contre-visite par un médecin agréé comme le prévoient les dispositions de l’article 15 du décret du 30 juillet 1987.

Cour Administrative d’Appel de Nancy, 7 janvier 2010, N° 08NC01835


 Le maire doit-il respecter une procédure contradictoire avant de prononcer la suspension d’un fonctionnaire ?

Non. "La suspension de fonctions d’un fonctionnaire et sa prolongation sont des mesures conservatoires prises dans l’intérêt du service et ne constituent pas des sanctions disciplinaires ; (...) elles ne sont pas au nombre des mesures qui doivent être précédées d’une procédure contradictoire et pour lesquelles l’agent concerné doit faire l’objet d’une convocation ou de la communication de son dossier préalablement à leur adoption".

Cour Administrative d’Appel de Nancy, 7 janvier 2010, N° 08NC01440


 Une commune, ayant accepté un legs, peut-elle s’affranchir unilatéralement des conditions grevant le bien légué posées par le défunt ?

Non. La commune ne peut obtenir la révision des charges et conditions grevant le bien légué que par décision de justice dans les conditions et selon la procédure définies par les articles 900-2 à 900-8 du code civil. Pour qu’une telle demande soit jugée recevable il est nécessaire qu’un changement de circonstances rende l’exécution des conditions imposées soit extrêmement difficile, soit sérieusement dommageable.

Conseil d’État, 8 janvier 2010, N° 322389


 Un agent qui a exécuté une ordonnance du juge des référés l’enjoignant de quitter un logement de fonction peut-il exercer un recours contre cette injonction ?

Oui. La circonstance que l’agent ait quitté le logement en exécution de l’ordonnance attaquée ne le prive d’exercer un recours contre l’injonction qui lui a été ainsi faite sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative.

Conseil d’État, 8 janvier 2010, N° 322389

[1Photo :© Gary Blakeley

[2Le manque à gagner inclut "nécessairement, puisqu’ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l’offre qui n’ont donc pas à faire l’objet, sauf stipulation contraire du contrat, d’une indemnisation spécifique"