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Harcèlement moral : dénonciation téméraire, révocation justifiée ?

Cour Administrative d’Appel de Nantes, 4 décembre 2009, N° 09NT01302

Un maire peut-il sanctionner un agent dont la plainte pour harcèlement moral a été classée sans suite ?

 [1]

Une fonctionnaire territoriale d’une commune du Loiret (20 000 habitants) porte plainte, en mars 2005, contre son supérieur hiérarchique pour des faits de harcèlement moral. La plainte est classée sans suite pour absence d’infraction. Sur cette base, le maire de la commune révoque la plaignante de ses fonctions d’agent de police municipale : en portant de graves accusations mettant en cause l’honneur de son supérieur, l’intéressée a porté atteinte au bon fonctionnement et à la réputation du service.

La sanction est confirmée par le tribunal administratif d’Orléans mais la Cour administrative d’appel de Nantes [2] annule la sanction et donne raison à l’agent.

Il résulte en effet des dispositions de l’article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, « que l’autorité investie du pouvoir disciplinaire ne peut légalement édicter une sanction disciplinaire en se fondant sur le fait qu’un fonctionnaire a engagé une action en justice afin de faire cesser des agissements de harcèlement moral, exception faite du cas où cette action en justice aurait été engagée de mauvaise foi ».

L’application de ces dispositions "n’est pas subordonnée au sort de l’action en justice engagée par le fonctionnaire". Autrement dit la mauvaise foi du plaignant ne résulte pas nécessairement d’une décision de classement sans suite, de non-lieu ou de relaxe. Et les juges d’en conclure que, faute d’avoir établi la mauvaise foi de l’intéressée, le maire n’était pas fondé à prendre la sanction contestée qui repose exclusivement sur la prise en considération de l’action en justice intentée. Dans une autre espèce, la chambre sociale de la Cour de cassation du 10 mars 2009 (Dénonciation de faits de harcèlement moral et licenciement) avait jugé dans le même sens : «  le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ».

[1Photo : © Anne-BARROIL

[2Cour Administrative d’Appel de Nantes, 4 décembre 2009, N° 09NT01302