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Site de traitement des déchets : ne pas oublier le protocole de sécurité pour les opérations de déchargement

Cour de cassation, chambre criminelle, 12 juillet 2016, N° 15-81924

Une commune peut-elle être déclarée pénalement responsable de l’accident survenu à l’un de ses agents sur un site de traitement des déchets alors que le site est mis à disposition d’une communauté de communes qui en a elle même confié l’exploitation à deux sociétés privées ?

Oui dès lors que l’activité de ramassage et de décharge des déchets collectés dans les poubelles publiques de la commune est susceptible de faire l’objet d’une convention de délégation de service public au sens de l’article 121-2, alinéa 2, du code pénal. En l’espèce une commune est condamnée à 100 000 euros d’amende dont 50 000 euros avec sursis suite au décès de l’un de ses agents écrasé par une pelle mécanique (conduite par le salarié d’une entreprise privée) lors d’une opération de déchargement des déchets collectés sur la commune. Il est reproché à la collectivité de ne pas avoir dispensé à ses agents une formation appropriée à la sécurité et de ne pas avoir établi avec les entreprises un protocole de sécurité pour les opérations de chargement et de déchargement. Peu importe que le site soit mis à disposition de la communauté de communes qui en a elle même confié l’exploitation à deux entreprises privées.

Un employé des services techniques d’une ville (12000 habitants) est victime d’un accident mortel sur un site de transfert des ordures ménagères : descendu de son camion en attendant de pouvoir procéder au déchargement des déchets, il s’est retrouvé coincé entre le contrepoids d’une pelle mécanique et un pilier en béton suite au brusque pivotement de la tourelle de l’engin conduit par le salarié d’une entreprise privée.

Le site appartient à la commune qui l’a mis à disposition de la communauté de communes laquelle en a elle-même confié l’exploitation à deux sociétés privées.

Le conducteur de l’engin, les deux sociétés exploitantes du site, la commune et la communauté de communes sont poursuivis pour homicide involontaire. Le tribunal correctionnel relaxe le conducteur et la communauté de communes mais condamne la commune et les deux sociétés exploitant le site, ce que confirme la cour d’appel de Grenoble. Il est reproché à la commune d’avoir autorisé ses agents à accéder au site classé sans leur avoir dispensé une formation à la sécurité en adéquation avec un tel accès et sans avoir établi un protocole de sécurité approprié.

La commune est condamnée à 100 000 euros d’amende dont la moitié avec sursis. Au civil la collectivité est condamnée solidairement avec les deux sociétés privées au paiement des dommages-intérêts à la veuve de l’agent, tant en son nom personnel qu’en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs, ainsi qu’aux parents et au frère du défunt en réparation de leur préjudice d’affection.

Une activité susceptible de faire l’objet d’une convention de délégation de service public

La commune se pourvoit en cassation en soutenant que l’activité d’apport et de vidage, deux ou trois fois par semaine sur le site, des ordures collectées dans les poubelles publiques, à laquelle elle se livrait, n’était pas susceptible d’une délégation de service public, faute de pouvoir être confiée à un délégataire public ou privé qui puisse se rémunérer en fonction du résultat de son exploitation. Ainsi sa responsabilité pénale ne saurait être engagée au regard de l’article 121-2, alinéa 2, du code pénal selon lequel les collectivités territoriales ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans l’exercice d’activités susceptibles de faire l’objet de conventions de délégation de service public.

La Cour de cassation écarte le moyen :

"l’activité de ramassage et de décharge des déchets collectés dans les poubelles publiques de la commune est susceptible de faire l’objet d’une convention de délégation de service public au sens de l’article 121-2, alinéa 2, du code pénal".

Pas de formation appropriée à la sécurité, ni de protocole de sécurité

Sur le fond la Cour de cassation confirme la culpabilité de la commune en retenant trois éléments à charge :

 les agents municipaux n’avaient bénéficié d’aucune formation à la sécurité appropriée ;

 les agents avaient reçu instruction de décharger sur le site les ordures collectées dans la ville, sans que soit, au préalable, établi un protocole de sécurité lié à un tel accès ;

 le maire avait expressément demandé à l’exploitant des lieux de laisser pénétrer les véhicules municipaux qui n’avaient pourtant pas vocation à y accéder.

Et la Cour de cassation d’en conclure que "l’infraction a été commise, pour le compte de la commune, par le maire, chargé de l’administration aux termes de l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales".

Cassation sur les intérêts civils

En revanche la Cour de cassation casse et annule l’arrêt sur les intérêts civils sur le visa de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III. L’occasion pour la Cour de cassation de rappeler qu’il résulte de ces textes que, "sauf disposition contraire, les tribunaux judiciaires ne sont pas compétents pour réparer les conséquences dommageables d’une faute engageant la responsabilité d’une personne morale de droit public à l’occasion de la gestion d’un service public administratif".

Cour de cassation, chambre criminelle, 12 juillet 2016, N° 15-81924