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Reprise en régie des activités d’une association après une baisse drastique des subventions : obligation de poursuite des contrats de travail ?

Cour de cassation, chambre sociale, 22 septembre 2015, N° 13-26032

Une commune peut-elle être tenue de reprendre un salarié licencié pour motifs économiques par une association confrontée à une baisse drastique de ses subventions ?

Oui si dans la foulée, l’activité de l’association est reprise en régie par la commune. L’opération peut alors être qualifiée de "transfert d’une entité économique", privant d’effet le licenciement économique prononcé par l’association et contraignant la commune à proposer à l’intéressé un contrat de droit public. Tel est jugé le cas pour une commune qui avait repris l’activité d’accueil et de loisirs d’un foyer rural, deux mois après que la responsable administrative de la structure eut été licenciée pour motif économique consécutivement à la baisse de ses subventions. La commune objectait en vain qu’au jour de la reprise d’activité, la salariée n’était plus dans les effectifs de l’association. Peu importe par ailleurs qu’il n’y ait eu de collusion frauduleuse. Le juge judiciaire est alors compétent pour tirer les conséquences indemnitaires de la rupture du contrat aux torts de la commune. Il ne peut en revanche faire injonction à la personne publique de proposer des contrats de droit public aux intéressés. Sur ce point le juge judiciaire doit simplement inviter les salariés concernés à saisir les juridictions administrative pour obtenir une telle injonction.

Une commune de 800 habitants réduit les subventions au foyer rural qui assurait des prestations d’accueil et de loisirs sans hébergement dans le cadre d’une convention pluriannuelle d’objectifs et de moyens. N’ayant plus les ressources suffisantes pour assurer le paiement d’un salaire, le foyer licencie pour motifs économiques la responsable administrative de la structure associative. Deux mois plus tard la commune reprend l’activité du centre de loisirs en régie.

Invoquant un transfert d’activité, l’ex-responsable licenciée demande la reprise de son contrat de travail par la commune en application de l’article L. 1224-3 du code du travail. La commune objecte que la poursuite d’une entité économique autonome n’emporte transfert auprès du repreneur que des seuls contrats de travail en cours au jour du transfert. Or au jour de la reprise de l’activité par la commune, la requérante n’était plus dans les effectifs de l’association.

L’argument ne convainc pas les juges qui condamnent la commune : la reprise immédiate par la commune de la même activité sur les mêmes lieux prive le licenciement de tout effet et emporte l’obligation pour la commune de proposer un contrat de droit public à la salariée.

Sur pourvoi de la commune, la Cour de cassation confirme que la commune se retrouvait bien dans le cadre d’une reprise d’une activité économique autonome même en l’absence de collusion frauduleuse démontrée :


 "un licenciement économique prononcé à l’occasion du transfert de l’entité économique dont relève le salarié étant dépourvu d’effet, le cessionnaire est tenu de poursuivre le contrat de travail ainsi rompu" ;


 "la cour d’appel ayant constaté que le licenciement de la salariée n’avait été motivé que par la baisse importante de la subvention de la commune de Vieille-Eglise-en-Yvelines pour l’activité d’accueil et de loisirs sans hébergement et que la commune avait repris immédiatement la même activité sur les mêmes lieux, a fait ressortir, répondant aux conclusions dont elle était saisie, que le licenciement était intervenu à l’occasion du transfert de l’entité économique, peu important l’absence de collusion frauduleuse, et qu’il était privé d’effet".

En revanche la Cour de cassation censure la position des juges d’appel qui avaient enjoint à la commune de proposer à l’intéressé un contrat de droit public. Certes la Cour de cassation confirme bien que :


 "lorsque l’activité d’une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette activité, reprise par une personne publique dans le cadre d’un service public administratif, il appartient à cette personne publique de proposer aux salariés un contrat de droit public reprenant les clauses substantielles de leur contrat, notamment concernant la rémunération ;


 et qu’en cas de refus des salariés d’accepter les modifications de leur contrat, la personne publique procède à leur licenciement dans les conditions prévues par le code du travail et par leur contrat .

Le juge judiciaire est par ailleurs bien compétent pour pour statuer sur les litiges nés du refus de poursuivre l’exécution du contrat de travail et pour apprécier les conditions d’application des dispositions légales notamment :

 l’existence d’une entité économique transférée et poursuivie ;

 la teneur des offres faites aux salariés par la personne publique.

Le juge judiciaire est également seul compétent pour tirer les conséquences indemnitaires d’une rupture des contrats par cette personne résultant de son refus illégal de proposer des contrats de droit public lorsque les salariés se prévalent d’une telle rupture.

En revanche "il ne peut faire injonction à la personne publique de proposer de tels contrats". C’est ce sur dernier point que l’arrêt est censuré : les juges d’appel auraient en effet dû inviter la salariée licenciée à se pourvoir devant les juridictions administratives pour obtenir une telle injonction. Mais sur le fond, l’affaire est entendue : la commune aurait bien dû proposer un contrat de droit public à l’intéressée.

Cour de cassation, chambre sociale, 22 septembre 2015, N° 13-26032