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MAPA : le régime des négociations clarifié par le Conseil d’Etat

Conseil d’État, 18 septembre 2015, N° 380821

L’acheteur public peut-il, dans le cadre d’un marché à procédure adaptée (MAPA), se réserver la possibilité de négocier avec les candidats les mieux classés ?

Oui dès lors qu’il en a informé les candidats lors de la consultation. En revanche, l’acheteur n’est pas tenu, s’il décide effectivement de négocier après la remise des offres, d’en informer l’ensemble des candidats. S’il choisit, comme il lui est loisible de le faire, de ne négocier qu’avec certains des candidats qui ont présenté une offre, il appartient au juge, de s’assurer qu’il n’a méconnu aucune des règles qui s’imposent à lui, notamment le principe d’égalité de traitement des candidats. Attention : si l’acheteur s’est engagé fermement, dans la consultation, sur des négociations (au lieu de simplement se réserver cette possibilité), il ne peut plus, en cours de procédure, renoncer à négocier en cours de procédure.

Une entreprise se porte candidate dans une consultation lancée par l’Ecole du Louvre en vue de l’attribution d’un marché public de prestations d’accueil et d’assistance technique . Son offre, classée 5è, est rejetée, l’acheteur ayant ouvert des négociations avec les trois premières entreprises.

Procédure jugée illégale par l’entreprise qui saisit le juge administratif d’un recours en annulation contre le marché et d’une demande indemnitaire : l’acheteur public ne pouvait dans le cadre d’un marché à procédure adaptée (MAPA) ouvrir des négociations qu’avec trois candidats.

L’occasion pour le Conseil d’Etat d’apporter des précisions attendues sur le régime des négociations dans le cadre des MAPA tant sur la nature de l’information due aux candidats que sur les pouvoirs de contrôle du juge :

1° Information due aux candidats :


 "si le pouvoir adjudicateur a décidé de faire usage de sa faculté de négocier dans le cadre d’une procédure adaptée, il doit en informer les candidats dès le lancement de la procédure et ne peut alors renoncer à négocier en cours de procédure" ;


 "il peut aussi se borner à informer les candidats, lors du lancement de la procédure, qu’il se réserve la possibilité de négocier, sans être tenu, s’il décide effectivement de négocier après la remise des offres, d’en informer l’ensemble des candidats" ;

2° Pouvoirs du juge :


 la décision du pouvoir adjudicateur de recourir à la négociation dans le cadre d’une procédure adaptée ne saurait être utilement critiquée devant le juge ;


 "en revanche, s’il choisit, comme il lui est loisible de le faire, de ne négocier qu’avec certains des candidats qui ont présenté une offre, il appartient au juge, saisi d’un moyen sur ce point, de s’assurer qu’il n’a méconnu aucune des règles qui s’imposent à lui, notamment le principe d’égalité de traitement des candidats".

Ainsi en l’espèce, l’acheteur pouvait, sans méconnaître ses obligations en matière de publicité et de mise en concurrence, se borner à prévoir qu’il se réservait le droit de négocier avec les trois premiers candidats du classement.

Voilà un mode d’emploi des négociations dans les MAPA que les collectivités territoriales peuvent bien entendu décliner dans leurs propres marchés.

Relevons au passage, que dans ce même arrêt, le Conseil d’Etat apporte également une précision intéressante sur le critère de l’expérience qui était en l’espèce requis des candidats. Les juges relèvent à cet égard que les prestations d’accueil et d’assistance technique à réaliser présentaient [1] de grandes spécificités justifiant dans ces conditions particulières, la prise en compte de l’expérience des candidats parmi les critères de sélection des offres. Ainsi ce critère ne peut, en l’espèce, être considéré comme ayant un effet discriminatoire. Ce d’autant plus qu’il était par ailleurs pondéré à hauteur de 5 % seulement. Ainsi "le moyen tiré de ce que les références des candidats n’étaient pas au nombre des critères susceptibles d’être retenus pour sélectionner les offres doit être écarté".

Conseil d’État, 18 septembre 2015, N° 380821

[1Eu égard notamment à la localisation de l’Ecole du Louvre au sein d’un palais qui accueille chaque année des millions de visiteurs.