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Propriété privée exposée à un risque de chute de rochers : travaux de protection aux frais de la commune !

Conseil d’Etat, 11 juillet 2014, n° 360835

En cas de danger d’éboulement de rochers pesant sur une copropriété privée, est-ce à la commune de réaliser, à ses frais, les travaux de protection ?

Oui, selon le Conseil d’Etat, la circonstance que le danger concerne au premier chef un ensemble de propriétaires réunis dans une copropriété ne saurait le faire regarder comme n’intéressant pas la sécurité publique, ni retirer aux travaux de protection leur caractère de travaux d’intérêt collectif. Le danger d’éboulement de rochers pesant sur l’immeuble et sur le terrain de la copropriété justifie ainsi la mise en œuvre par le maire des pouvoirs de police qu’il tient de l’article L.2212-4 du CGCT pour mettre en place, aux frais de la commune, un dispositif de protection tel que des filets de sécurité ou la construction d’une digue. Si la commune estime que le manquement des copropriétaires à des obligations leur incombant a pu contribuer à la création de la situation de risque, il lui appartient seulement d’exercer à leur encontre une action tendant à mettre en cause leur responsabilité civile.

A la suite de la chute d’un bloc de calcaire sur l’un des immeubles d’une copropriété, le maire (commune de 2000 habitants située en milieu montagnard) interdit l’accès des emprises de la copropriété et du bâtiment situés sur la trajectoire prévisibles des rochers, tant que n’auront pas été réalisés, aux frais de la copropriété, des travaux de protection passive de celle-ci (tels que la mise en place de filets ou la construction d’une digue).
Les copropriétaires, estimant qu’il ne leur appartient pas d’assumer de tels travaux, saisissent le maire pour qu’il prescrive, aux frais de la commune, la réalisation de ces mesures de protection, au titre des pouvoirs de police qu’il tient de l’article L.2212-4 du CGCT.
Celui-ci refuse et estime que la zone n’étant pas ouverte au public, les travaux auraient un intérêt purement privé et n’ont donc pas à être assumés par la collectivité, celle-ci ne pouvant prendre en charge "la protection de tous les immeubles privés contre des risques inhérents au milieu montagnard". Par ailleurs, il soutient qu’en raison de la faiblesse de l’aléa, le péril n’est pas imminent.

Les copropriétaires saisissent le tribunal administratif qui fait droit à leur demande et enjoint au maire de faire réaliser les travaux nécessaires dans un délai de dix mois. La commune interjette appel.
Les juges d’appel annulent le jugement et estiment que la condition de gravité et d’imminence du danger, exigée par l’article L.2212-4 du CGCT, n’est pas remplie. Le financement public de tels travaux n’est donc pas justifié.

Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’Etat confirme le caractère grave et imminent du danger d’éboulement de rochers justifiant la mise en œuvre, aux frais la commune, d’un dispositif de protection.
Il précise en outre que :

"la circonstance que le danger concerne au premier chef un ensemble de propriétaires réunis dans une copropriété ne saurait le faire regarder comme n’intéressant pas la sécurité publique, ni retirer aux travaux de protection leur caractère de travaux d’intérêt collectif ; que, par suite, il incombait à la commune de réaliser ces travaux à ses frais (...)"

Si la commune constate un manquement des copropriétaires à leurs obligations, contribuant à créer la situation de danger, il lui appartient alors seulement de se retourner contre eux et de mettre en cause leur responsabilité civile.

Conseil d’Etat, 11 juillet 2014, N° 360835