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Accident mortel lors d’un tir de feu d’artifice, adjoint au maire condamné

Cour de cassation, chambre criminelle, 22 mai 2013, N° 12-81819

Un adjoint au maire reconnu coupable d’homicide involontaire à la suite d’un accident mortel au cours d’un feu d’artifice doit-il personnellement indemniser les victimes ?

Non dès lors que les fautes qui sont retenues à son encontre ne constituent pas des fautes personnelles détachables de l’exercice de ses fonctions. Si les juridictions répressives sont compétentes pour condamner l’élu pénalement, elles doivent renvoyer les parties civiles devant les juridictions administratives pour que celles-ci obtiennent réparation de leur préjudice auprès de la commune. En effet les dispositions de l’article 470-1 du code de procédure pénale n’apportent pas d’exception à la compétence de la juridiction administrative.

Lors d’une manifestation nautique et pyrotechnique organisée le 18 août 2001 par une commune [1] avec le concours d’une association, un bénévole qui se trouvait sur un bateau est mortellement atteint par un feu type "marron d’air". Six autres personnes sont blessées à la suite de l’explosion du bateau.

L’adjoint au maire chargé de l’organisation de la manifestation, l’agent commercial du fournisseur des artifices, et l’artificier salarié du fournisseur, sont poursuivis des chefs d’homicide et blessures involontaires.

En première instance, l’adjoint au maire et l’agent commercial sont condamnés. En appel, seule la condamnation de l’adjoint est confirmée.

Parmi les éléments à charge retenus il est relevé que :

 contrairement à ce qui s’était passé l’année précédente aucune démonstration de tir n’avait été effectuée et les participants n’avaient pas rencontré l’artificier ;

 seules quelques réunions avec rappel de consignes de sécurité [2] avaient été organisées mais tous les participants n’étaient pas présents à chacune d’elles, aucun n’avait été informé de la portée des marrons d’air et des distances à respecter entre les navires ;

 dans sa déclaration de l’événement à la préfecture, l’adjoint n’a mentionné que le feu d’artifice tiré d’une tour, en s’abstenant de faire état du spectacle nautique concomitant. De fait aucun plan de sécurité n’a été mis en place et l’arrêté préfectoral pris le 14 août 2001 interdisait à tous navires et engins de toute nature excepté de la police et de surveillance de la manifestation de se trouver entre 22 heures et 23 heures sur le plan d’eau dans un rayon de 300 mètres. Or durant le spectacle tous les bateaux pirates de l’association se trouvaient à moins de 300 mètres du lieu de tir ;

 selon l’expert, les bateaux devaient être distants d’au moins 50 mètres, pour éviter les tirs entre eux ce qui n’était pas le cas ;

 les marrons d’air, en cause, étaient des artifices de classe K3 qui avaient été livrés avec une étiquette d’emploi collée sur chacun d’eux et sur laquelle il est spécifié la nécessité d’opérer un recul de quinze mètres par l’utilisateur après la mise à feu qui devait être électrique. La convention signée entre la commune et la société fixait, quant à elle, la distance à 30 mètres mais en fait, leur tir à partir d’un bateau rendait ce recul impossible ;

 le mortier prévu par le fabricant était un mortier en carton qui devait être enterré au 2/3, ce qui ne pouvait non plus être mis en œuvre, aussi des mortiers en acier avaient été confectionnés par les utilisateurs ;

 le fournisseur avait proposé des mortiers compacts douze coups de minuit avec déclenchement électrique qui avaient été refusés par l’adjoint bien que ce dernier avait été informé du fait qu’il valait mieux un tir électrique, la commande initiale avait été modifiée

 la livraison des marrons d’air a été effectuée en deux temps le jour de la représentation à l’artificier auprès de qui les membres de l’association se sont ravitaillés, la distribution n’a été soumise à aucun contrôle, ni aucune règle.

Cependant au civil la cour d’appel se déclare incompétente pour condamner l’élu à payer des dommages-intérêts aux victimes, les fautes commises n’étant pas détachables de ses fonctions.

Les parties civiles contestaient une telle analyse sur le fondement des dispositions de l’article 470-1 du code de procédure pénale, estimant que ce texte déroge aux règles normales de compétence et permet à la juridiction pénale de statuer sur la réparation du dommage causé par une faute civile de négligence, même si l’auteur de cette faute est un élu ou un agent public.

Sans surprise la Cour de cassation rejette le moyen et confirme la position des juges d’appel :

"les dispositions de l’article 470-1 du code de procédure pénale n’apportent pas d’exception à la compétence de la juridiction administrative".

Les fautes caractérisées retenues à l’encontre de l’élu ayant été commises dans l’exercice de sa mission de service public et n’en étant aucunement détachables, les demandes des parties civiles relèvent des juridictions administratives.

Cour de cassation, chambre criminelle, 22 mai 2013, N° 12-81819


 [3]

[150 000 habitants

[2Avoir un seau d’eau à proximité, un extincteur et faire attention à la direction du tir.

[3Photo : © Hamady