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Procédure de démission d’office d’un maire en cas d’incompatibilité élective apparaissant en cours de mandat

Conseil d’État, 20 novembre 2013, N° 367600

La procédure de démission d’office s’applique-t-elle aux élus municipaux qui, après leur élection, se trouvent dans une situation d’incompatibilité du fait de prises de fonctions incompatibles avec leur mandat ?

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Oui mais la fin de l’incompatibilité leur permet de conserver le mandat, sans qu’ils aient à respecter le délai de six mois fixé par le code électoral. Ainsi une conseillère municipale qui, en cours de mandat, est élue maire alors qu’elle a, entre-temps, pris des responsabilités professionnelles incompatibles avec ses fonctions électives (en l’espèce chef de service de la gestion administrative à la collectivité territoriale de Corse), peut continuer à exercer son mandat s’il a été mis fin à ses fonctions professionnelles qui la rendaient inéligible. Et ce même si la situation d’incompatibilité a cessé depuis moins de six mois (en l’espèce la veille de l’élection au poste de maire).

En cours de mandat une conseillère municipale d’une commune de 1250 habitants est élue maire à la faveur d’une élection municipale partielle. Problème : elle occupe depuis 6 mois le poste de chef de service de la gestion administrative à la collectivité territoriale de Corse, contrevenant ainsi aux dispositions du 8° de l’article L. 231 du code électoral.

En effet aux termes des ces dispositions "ne peuvent être élus conseillers municipaux dans les communes situées dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois (...) les directeurs de cabinet du président du conseil général et du président du conseil régional, les directeurs généraux, les directeurs, les directeurs adjoints, chefs de service et chefs de bureau de conseil général et de conseil régional, le directeur de cabinet du président de l’assemblée et le directeur de cabinet du président du conseil exécutif de Corse, les directeurs généraux, les directeurs, les directeurs adjoints, chefs de service et chefs de bureau de la collectivité territoriale de Corse et de ses établissements publics".

Qu’à cela ne tienne : la veille de l’élection le président du conseil exécutif collectivité territoriale de Corse met fin aux fonctions litigieuses pour lever l’incompatibilité.

Trop tard s’insurge un conseiller d’opposition qui demande au préfet de prononcer la démission d’office de l’intéressée, le délai de six mois n’ayant pas été respecté.

Le préfet refusant de faire droit à sa demande, l’opposant saisit le tribunal administratif de Bastia qui lui donne raison et déclare l’élue démissionnaire d’office.

Tel n’est pas l’avis du Conseil d’Etat qui censure la position des juges du fond et rétablit l’élue dans ses fonctions.

Certes, le Conseil d’Etat concède que "la procédure de démission d’office instituée par l’article L. 236 s’applique aux conseillers municipaux qui se trouvent, postérieurement à leur élection, dans une situation d’incompatibilité du fait de l’exercice de fonctions qui les auraient rendus inéligibles en application de l’article L. 231".

Mais pour autant, poursuit-t-il, le délai d’inéligibilité de six mois suivant la cessation des fonctions ne leur est alors pas applicable.

Autrement dit le délai d’inéligibilité de six mois suivant la cessation des fonctions ne s’applique pas aux conseillers municipaux qui se trouvent dans une situation d’incompatibilité en cours de mandat. Dans cette hypothèse la fin de l’incompatibilité permet de conserver le mandat, sans qu’il y ait à respecter ce délai.

Or, en l’espèce, la situation d’incompatibilité liée à la prise de fonction de l’intéressée à la collectivité territoriale de Corse est bien apparue en cours de mandat puisque celle-ci était déjà conseillère municipale depuis mars 2008. La situation d’incompatibilité ayant cessé la veille de l’élection de l’intéressée au poste de maire, il n’y avait pas lieu de prononcer la démission d’office.

Conseil d’État, 20 novembre 2013, N° 367600

[1Photo : © Helder Almeida