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Viols sur mineur commis par un animateur en dehors du service : la commune responsable ?

Tribunal administratif de Melun, 25 septembre 2013, N° 1106689/9

Une commune peut-elle être déclarée civilement responsable des viols commis par un agent d’un centre de loisirs en dehors du service sur un enfant qui ne fréquentait pas la structure communale ?

Oui s’il est établi que l’agent a pu gagner la confiance des victimes grâce à l’autorité que lui conféraient ses fonctions. Tel est jugé le cas s’agissant d’un animateur qui a violé et agressé sexuellement plusieurs mineurs dont l’un n’était pourtant pas inscrit au centre de loisirs. En effet la fréquentation de la structure d’accueil par les autres membres de la fratrie a pu faciliter l’instauration d’un lien de confiance entre l’animateur et la victime. A charge pour la commune de demander le remboursement des sommes versées aux victimes en exerçant une action récursoire contre l’agent. A supposer que celui-ci soit solvable...

Pendant deux ans, plusieurs mineurs sont victimes d’agressions sexuelles de la part d’un agent d’animation d’un centre de loisirs communal. Poursuivi aux assises, l’animateur est reconnu coupable de viols et d’agressions sexuelles sur mineurs de 15 ans par personne abusant de l’autorité conférée par ses fonctions.

En janvier 2011, la commission d’indemnisation des victimes d’infractions du TGI de Créteil octroie 172800 euros aux victimes et à leurs parents. L’animateur condamné étant insolvable le Fonds de garantie des victimes d’infractions demande à la commune de lui rembourser la somme ainsi versée aux victimes. Le Fonds estime en effet que la faute commise par l’agent, pour personnelle qu’elle soit, n’est pas dépourvue de tout lien avec le service.

Pour sa défense la commune soutient que les agressions ont été commises en dehors du service au domicile de l’agent lequel était un ami des parents des quatre victimes. De fait l’une des victimes ne fréquentait même pas le centre de loisirs. En tout état de cause, poursuit la commune, les faits sont d’une telle gravité qu’ils sont constitutifs de la part de l’agent d’une faute personnelle excluant toute responsabilité de la commune. Enfin, à supposer que la responsabilité de l’administration puisse être retenue, la responsabilité de l’Etat pour défaut de surveillance devrait également être recherchée l’agent communal intervenant aussi durant le temps scolaire.

Dans quatre jugements rendus le même jour le tribunal administratif de Melun analyse la situation de chaque victime et le lien qui l’unissait à l’agent pour vérifier si ce dernier a abusé ou non de ses fonctions d’animateur ou s’il a agi de manière tout à fait indépendante au service.

Les principes régissant la responsabilité de l’administration du fait des fautes commises par les agents

En premier lieu le tribunal rappelle les principes :


 « la victime non fautive d’un préjudice causé par l’agent d’une administration peut dès lors que le comportement de cet agent n’est pas dépourvu de tout lien avec le service, demander au juge administratif de condamner cette administration à réparer intégralement ce préjudice, quand bien même aucune faute ne pourrait-elle être imputée au service et le préjudice serait-il entièrement imputable à la faute personnelle commise par l’agent, laquelle, par sa gravité, devrait être regardée comme détachable du service » ;


 « cette dernière circonstance permet seulement l’administration, ainsi condamnée à assumer les conséquences de cette faute personnelle, d’engager une action récursoire à l’encontre de son agent ».

A supposer que ce dernier soit solvable...

Analyse au cas par cas du lien unissant les victimes à l’agent

Le tribunal analyse au cas par cas la situation des victimes en fonction du lien qui les unissait à l’agent condamné.

Bien entendu lorsque les agressions ont eu lieu alors que l’animateur était en service dans le centre de loisir, la responsabilité de la commune est retenue, cette faute personnelle ayant été commise dans le service et grâce à l’autorité que lui conféraient ses fonctions. Peu importe à cet égard que l’animateur venait voir des enfants pendant qu’ils étaient dans la cour de récréation de l’école commune avec celle du centre de loisirs, dès lors qu’il n’intervenait pas alors comme agent de l’Etat.

Lorsque les agressions ont été commises alors que l’agent n’était pas en service, le tribunal distingue les situations :

 la responsabilité de la commune est retenue s’agissant des agressions dont a été victime un enfant qui ne fréquentait pourtant pas le centre de loisirs. Le tribunal relève en effet que "la fréquentation du centre de loisirs par les autres membres de la fratrie a pu faciliter l’instauration d’un lien de confiance des parents et donc du jeune S. envers l’animateur du centre de loisirs, nonobstant le fait que que l’animateur connaissait le père des deux victimes antérieurement aux faits" ;

 en revanche pour un autre mineur victime de violences sexuelles, aucun lien n’est établi avec les fonctions d’animateur de l’agent condamné. Les faits s’étant déroulés en dehors du centre de loisirs sans qu’il ne soit établi que l’animateur ait usé de l’autorité conférée par ses fonctions, la responsabilité de la commune est écartée.

Evaluation autonome du préjudice

Le Fonds de garantie des victimes d’infraction réclamait le remboursement de l’intégralité des sommes versées aux victimes. Le tribunal administratif ne condamne la commune qu’en partie. En effet :

« la nature et l’étendue des réparations incombant à une collectivité publique ne dépendent pas de l’évaluation du dommage faite par l’autorité judiciaire dans un litige auquel elle n’a pas été partie, mais doivent être déterminés par le juge administratif compte tenu des règles relatives à la responsabilité des personnes morales de droit public, et indépendamment des sommes qui ont pu être exposées par le requérant à titre de provision, d’indemnités ou d’intérêts ».

Ainsi au total la commune est condamnée à verser au Fonds de garantie la somme de 35 000 euros sur les 60 000 euros réclamés.

Tribunal administratif de Melun, 25 septembre 2013, N° 1106689/9