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Prise illégale d’intérêts : même si le maire intéressé n’a pas participé au vote ?

Cour de cassation, chambre criminelle, 23 février 2011, N° : 10-82880

Un maire peut-il engager sa responsabilité pour prise illégale d’intérêts bien qu’il ait pris la précaution de ne pas participer au vote de la délibération à laquelle il était intéressé ?

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Oui dès lors que le maire est présumé avoir surveillance sur l’ensemble des affaires de la commune. Ce n’est que dans le cadre très strict des dérogations prévues par l’article 432-12 du code pénal au profit des communes de moins de 3501 habitants, que l’absence de participation du maire au vote, sera prise en compte (uniquement pour certaines opérations limitativement énumérées).

Le maire d’une commune rurale de 800 habitants est poursuivi pour prise illégale d’intérêts. Il lui est reproché d’avoir pris un intérêt lors de la transformation du plan d’occupation des sols de cette commune en plan local d’urbanisme.

En effet cette opération a rendu constructibles des terrains qui ont fait l’objet d’une autorisation de lotir au profit de la société de promotion immobilière dont il était l’associé principal.

L’élu objecte pour sa défense qu’il n’a pas pris part au vote de la délibération litigieuse. Peu importe lui répond la Cour de cassation"dès lors que le maire a seul l’administration de l’ensemble des affaires de la commune, en application de l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, notamment celles relevant de ses pouvoirs de préparation et d’exécution du plan local d’urbanisme".

De fait, l’élu :

 a poursuivi la révision du POS, siégé au sein de la commission de révision, adressé des courriers aux diverses organismes et administrations concernés et a présidé les réunions d’information ;

 s’il n’a pas pris part au vote des délibérations, au cours desquelles le PLU a été présenté puis adopté, il a néanmoins présidé lesdites séances du conseil municipal, a pris une part active dans la détermination de la zone à urbaniser et a assuré le suivi de cette opération.

Bref : le fait d’être sorti de la salle au moment du vote ne lui a pas empêché d’exercer une surveillance étroite de l’affaire.

La condamnation de l’élu à trois mois d’emprisonnement avec sursis et à 30 000 euros d’amende est donc confirmée. La Cour de cassation annule en revanche les peines de 5 ans de non inscription sur les listes électorales et de 10 ans d’inéligibilité appliquées au titre de l’article L7 du code électoral, ces dispositions ayant, entre-temps, été censurées par le Conseil constitutionnel.

Cour de cassation, chambre criminelle, 23 février 2011, N° : 10-82880

[1Photo : © ArtmannWitte