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Maire dénigré sur un blog : comment réagir ?

Cour de cassation, 1ère chambre civile, 6 octobre 2011, n°10-18142

Un maire dénigré sur un blog peut-il obtenir réparation en exerçant une action de droit commun sur le fondement de l’article 1382 du code civil ?

 [1]


Non : "les abus de la liberté d’expression ne peuvent être réprimés que par la loi du 29 juillet 1881" (laquelle nécessite le respect d’un formalisme très strict)

A l’occasion des dernières élections municipales un maire est dénigré dans un blog intitulé "les amis de X... [nom du maire]". L’auteur du blog, agissant sous un pseudonyme, y publie une parodie d’articles de soutien au maire, émaillant ses billets de fautes d’orthographe et d’arguments volontairement contre-productifs.

L’auteur du blog finit, après une longue expertise, par être identifié.

Sans surprise, il s’agit d’un opposant politique qui se présente sur une liste concurrente et qui est, par ailleurs, fonctionnaire territorial dans une collectivité voisine [2]

Le maire saisit le juge des référés pour obtenir, sur le fondement de l’article 1382 du code civil, des dommages et intérêts, la fermeture du blog litigieux et la publication de la décision. L’auteur du blog objecte que seules sont applicables aux faits de l’espèce les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Le tribunal puis la cour d’appel d’Orléans donnent raison au maire et condamnent le blogueur à lui verser 7400 euros de dommages-intérêts. Les magistrats du fond considèrent en effet que la loi du 29 juillet 1881 ne s’applique pas aux faits litigieux dans la mesure où si le blogueur a effectivement cherché à discréditer le maire auprès des électeurs, "cette entreprise ne repose que sur une présentation générale le tournant en ridicule à travers le prisme caricatural d’une vision orientée et partiale de sa politique locale ou de sa personnalité sans imputer spécialement au maire, ou au candidat, de faits précis de nature à porter, par eux-mêmes, atteinte à son honneur ou à sa considération".

En somme si le maire est tourné en ridicule, il n’y a pour autant ni injure, ni diffamation au sens de la loi sur la presse. D’où un dédommagement possible de l’élu sur le fondement de l’article 1382 du code civil.

Tel n’est pas l’avis de la Cour de cassation qui censure cette décision par un attendu de principe :

"les abus de la liberté d’expression ne peuvent être réprimés que par la loi du 29 juillet 1881".

Non seulement l’élu devra restituer au blogueur potache les 7400 euros obtenus devant les juges du fond mais en outre il devra lui verser 3000 euros au titre des dépens.

Cour de cassation, 1ère chambre civile, 6 octobre 2011, n°10-18142

[1Photo : © prism68

[2Ce qui lui a valu des poursuites disciplinaires, le maire de sa commune étant de la même couleur politique que celui dénigré dans le blog.